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Archives 2018-2019

2019

Dessin de deux personnes entrant dans l'autobus électrique..

La famille montréalaise de 2050, elle marche! Et lorsque les distances sont trop grandes, le vélo, le tramway et les autocars électriques font maintenant partie des options.

Les enfants fréquentent une école près de la maison et les parents ont abandonné la voiture pour se rendre au bureau. Le vélo est également très populaire sur les voies cyclables nombreuses et sécuritaires. Sur de plus longues distances, les Montréalais sautent dans le tramway ou dans le train. L’hiver, un système d’autocars électriques transporte les skieurs directement du centre-ville de Montréal jusqu’au bas des pentes du mont Tremblant.

Les pompes à essence ont disparu depuis que l’État a taxé, puis banni du paysage l’automobile individuelle propulsée à l’énergie fossile. «On a enfin compris que le moteur à combustion est une technologie d’un autre âge! déclare Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, qui a accepté de jouer le jeu de la futurologie optimiste en matière de transport urbain. Afin de parvenir à une société post-pétrole, il nous a fallu un consensus autour du fait que l’auto à essence était malsaine pour les villes, comme le tabac l’est pour la santé humaine.» L’expert souligne qu’il n’a pas suffi de remplacer le carburateur par l’accumulateur pour que le changement s’opère. «Si une auto électrique pollue moins qu’une auto à essence, il ne faut pas oublier qu’elle demeure un objet de consommation à haut coût énergétique. Et qu’une voiture par ménage en 2050 aurait signifié une augmentation du trafic routier avec des autoroutes étagées et de nouveaux ponts.» Pour vivre dans une société carboneutre, on a donc renversé cette tendance.

Le professeur, qui étudie la fiscalité verte dans ses travaux de recherche, estime que les lois du marché auront joué un rôle dans la modification des habitudes de déplacement de la population québécoise. «Le principe du pollueur-payeur s’applique avec efficacité dans ce domaine. Ceux qui veulent demeurer propriétaires de véhicules doivent payer plus cher. On encourage ainsi les attitudes écologiques et l’on taxe les récalcitrants.»

À son avis, c’est un choc social ayant eu l’effet d’une véritable révolution qui a inspiré des changements aussi profonds dans les mœurs. «Saisissant l’air du temps, les partis politiques ont proposé des changements radicaux auxquels les électeurs ont cru.» Le mouvement a été à la fois local, national et international; plusieurs pays ont dû avancer d’un même pas pour offrir aux consommateurs des véhicules carboneutres.

Les déplacements à pied, qui étaient souvent perçus comme le recours des moins nantis au début du 21siècle, ont ainsi regagné leurs lettres de noblesse. «On marchait beaucoup plus autrefois pour se déplacer d’un endroit à l’autre. C’est l’automobile qui nous a fait perdre cette bonne habitude que les familles de 2050 ont de nouveau adoptée», commente Jean-Philippe Meloche.

Plusieurs banquises dans l'océan.

Alors que le Canada se prépare à la prochaine campagne électorale qui aura lieu cet automne – durant laquelle les changements climatiques promettent d'être un sujet chaudement débattu –, des chercheurs de l'Université de Montréal et de l'Université de Californie à Santa Barbara lancent une mise à jour d’un outil interactif permettant de visualiser l'opinion des Canadiens concernant les perceptions et les préférences de politiques en matière de changements climatiques. Les utilisateurs peuvent télécharger les estimations de l'opinion publique pour chaque province et chaque circonscription du Canada. Présenté sous forme de cartes, cet outil est accessible en français et en anglais.

Les Cartes de l'opinion publique canadienne sur le climat (COPCC) ont été créées à l'aide d'un modèle statistique basé sur les réponses de plus de 9000 participants à des sondages nationaux menés entre 2011 et 2018. Ces sondages révèlent que, à l'échelle nationale, 83 % des Canadiens croient que la Terre se réchauffe, mais les nouvelles cartes de l'opinion publique montrent de nettes différences entre les provinces et les circonscriptions. Alors que plus de 70 % des adultes croient au réchauffement climatique en Alberta, ils sont 89 % à partager cette opinion au Québec. À l'échelle des circonscriptions électorales, ces chiffres varient de 60 % pour la circonscription de Souris-Moose Mountain, en Saskatchewan, à 93 % pour la circonscription d'Halifax, en Nouvelle-Écosse.

«Notre étude montre qu'une vaste majorité des Canadiens croit aux changements climatiques et soutient les politiques en la matière partout au pays, dit un des chercheurs principaux de l'étude, Erick Lachapelle, professeur à l'Université de Montréal. De plus, on constate de fortes correspondances entre l'opinion publique et les politiques à l'échelle des provinces – après l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec est la province qui soutient le plus fortement le marché du carbone, alors que la Colombie-Britannique est la plus favorable à une taxe sur les combustibles fossiles. Ces résultats indiquent qu'il n'y a pas eu de réaction de rejet à l'égard de ces politiques lorsqu'elles ont été mises en œuvre.»

Les élections fédérales étant imminentes, cet outil arrive à point nommé. «Compte tenu du rôle des perceptions et des préférences de la population dans une démocratie, nous croyons utile de favoriser la sensibilisation et le dialogue sur cette question cruciale, explique Matto Mildenberger, professeur adjoint à l'Université de Californie à Santa Barbara et collaborateur du projet. Espérons que ce large soutien populaire provoquera un vrai débat dans les mois à venir.»

«Grâce à cet outil, nous sommes en mesure de voir à quel point les positions des partis sur les changements climatiques traduisent l'opinion des Canadiens, affirme Erick Lachapelle. Bien entendu, les opinions et les préférences en matière de politiques ne sont pas uniformes d'un bout à l'autre du pays. Cet outil illustre donc le niveau de représentation de l'opinion publique au sein des plateformes politiques. La juxtaposition des opinions des électeurs de la circonscription d'Andrew Scheer et de la position de son parti sur les taxes sur le carbone est fascinante.»

Bien que des données à haute résolution sur les risques liés aux changements climatiques soient disponibles, il n’en existe pratiquement aucune sur l'opinion publique à l'échelle locale. Ces nouvelles données jettent donc un éclairage neuf sur les perceptions des Canadiens à une échelle beaucoup plus proche des lieux réels de prise de décisions, de communication et de planification. Il s'agira d'une ressource importante pour les décideurs politiques, les planificateurs, les praticiens, les universitaires, les citoyens engagés et, bien sûr, les partis politiques désireux de représenter leurs mandants lors des élections à venir.

À propos de l'outil

Les utilisateurs peuvent explorer les cartes et les données en cliquant sur une province ou une circonscription, puis en comparant les réponses aux questions avec d'autres zones géographiques. Il convient de garder à l'esprit que la précision des estimations diminue au fur et à mesure que l'échelle géographique se réduit.

Toutes les estimations sont dérivées d'un modèle statistique et géographique validé par la littérature universitaire et appliqué à des données issues de sondages pancanadiens réalisés depuis 2011 (plus de 9000 répondants). Ces données ont été utilisées pour estimer les différences d'opinions entre des groupes géographiques et démographiques tirés des données de Statistique Canada. Les résultats tiennent compte des changements d'attitude au fil du temps. Au final, nous obtenons une base de données à haute résolution des opinions estimées des électeurs canadiens aux échelons du pays, des provinces et des circonscriptions pour l'année 2019. La précision des estimations est de ± 7 % à l'échelle des circonscriptions (intervalle de confiance de 95 %).

Cette recherche et ce site Web sont en partie financés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, le Skoll Global Threats Fund, l’Energy Foundation et la Grantham Foundation for the Protection of the Environment. Les sondages ont bénéficié du soutien financier d'EcoAnalytics, du ministère des Relations internationales et de la Francophonie, de l'Institut de l'énergie Trottier, de l'Institut pour l'IntelliProspérité, de Canada 2020, du Forum des politiques publiques et de la Chaire d’études politiques et économiques américaines.

Les chercheurs de l'UdeM mesurent en continu les flux de GES émis durant l'été à la station de recherche de Trail Valley Creek, située à 45 km au nord d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Les régions arctique et boréale abritant le pergélisol se réchauffent deux fois plus vite qu’ailleurs sur la planète et cette tendance est encore plus prononcée dans le nord-ouest du Canada.

Parmi les changements que subissent les écosystèmes nordiques, le plus préoccupant est le rejet, dans l’atmosphère, d’importantes quantités de dioxyde de carbone et de méthane. Le carbone ainsi libéré du sol devient disponible pour les microorganismes qui, en le digérant, produisent des gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement climatique.

«Le réchauffement climatique a amené les écosystèmes du Grand Nord à un point critique, indique le professeur Oliver Sonnentag, du Département de géographie de l’Université de Montréal. Le dégel du pergélisol pourrait libérer de vastes réserves de carbone qui, à terme, augmenteront les émissions de GES dans l’atmosphère: à leur tour, ces GES accéléreront le réchauffement climatique dans les régions boréale et arctique ‒ ainsi qu’ailleurs sur terre ‒, créant une boucle de rétroaction.»

Si l’émission accrue de GES attribuable au dégel du pergélisol ne fait plus de doute, les interactions complexes à sa source restent à explorer.

Scruter une région isolée et difficile d’accès

C’est précisément ce à quoi s’affairent cet été la postdoctorante Carolina Voigt et le professionnel de recherche Gabriel Hould Gosselin sous la supervision du professeur Sonnentag. Leurs travaux sont effectués en collaboration avec des chercheurs de l'Université Wilfrid-Laurier sous la direction du professeur Philip Marsh et de Zoran Nesic, de l'Université de la Colombie-Britannique.

À partir de la station de recherche de Trail Valley Creek, située près d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, Carolina Voigt et Gabriel Hould Gosselin étudient notamment la toundra afin de mesurer les flux de dioxyde de carbone et de méthane qui s’en dégagent.

«La quantité de GES qui émanera un jour de ces écosystèmes ‒ dont le dioxyde de carbone, le méthane et l’oxyde nitreux ‒ dépend en grande partie des interactions complexes et de mécanismes de rétroaction entre le monde microbien, la végétation, le pergélisol et la neige qu’ils renferment», explique Oliver Sonnentag.

Ces recherches combinent donc des mesures de fuite de ces gaz en surface avec des études de procédés en sous-sol, «ce qui est rarement fait dans la région boréale, qui est isolée et difficilement accessible», précise le professeur.

La nouvelle approche d’observation qu’utilise ce groupe de recherche est de type imbriqué: il analyse les émanations de ces GES à différentes échelles, dans un endroit donné, au moyen d’instruments micrométéorologiques et d’une gamme d’appareils de mesure plus sophistiqués.

Une perspective globale du réchauffement climatique

Pour Oliver Sonnentag, les données qui seront recueillies permettront d’en apprendre davantage sur le cycle des flux de GES répandus dans la toundra canadienne et le nord de la région boréale, ainsi que sur leur apport potentiel au réchauffement climatique global.

En effet, d’autres membres de la Chaire de recherche du Canada en biogéosciences atmosphériques en hautes latitudes ‒ que dirige M. Sonnentag ‒ prennent des mesures similaires dans d’autres lieux à l’intérieur des Territoires du Nord-Ouest.

«La combinaison de nos travaux constituera une contribution importante du Canada à l’étude ABoVE, une expérience de vulnérabilité dirigée par la NASA dans l’Arctique et la forêt boréale, qui vise à mieux comprendre la fragilité et la résilience des écosystèmes et de la société à l’égard de cet environnement en mutation», conclut-il.

Le saviez-vous?

Le pergélisol est présent sous 20 à 25 % de la surface terrestre de notre planète et sous 40 à 50 % des terres du Canada. Le pergélisol le plus épais au pays fait plus de 1000 m d’épaisseur et se trouve en altitude dans certaines parties de l’île de Baffin et de l’île d’Ellesmere. Il ne fait plus que 60 à 90 m d’épaisseur à la limite méridionale de la zone de pergélisol continu.

Source: L’encyclopédie canadienne.

Renard montrant des dents.

On sait depuis 1947 que le renard arctique (Vulpes lagopus) est porteur d’une forme de rage baptisée «rage vulpine», une maladie contagieuse potentiellement mortelle et transmissible aux humains, d’où son nom de zoonose. Si les cas de maladie confirmés sont rarissimes (moins de 10 malades en un demi-siècle en Russie et au Groenland; aucun au Canada), la situation préoccupe les organismes de santé publique du Nord canadien. On craint, de plus, que la rage se transmette au renard roux (Vulpes vulpes), une espèce apparentée répandue dans le sud du continent.

«Les deux espèces étaient jusqu’à maintenant isolées, mais le réchauffement climatique fait en sorte que l’habitat du renard roux s’étend vers le nord. Une contamination pourrait être préoccupante tant pour la faune que pour la santé humaine», explique le Dr André Ravel, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Il s’agit actuellement d’un risque théorique, mais les chercheurs du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP), qu’il dirige depuis 2016, mettent au point des modèles de transmission du virus de la rage qui pourraient être utiles en cas d’épidémie.

Risques humains-chiens

Les recherches entreprises par le GREZOSP ont pour objet les risques associés à ces maladies zoonotiques comme la rage vulpine. Avec plusieurs collègues de l’Université de Montréal (la géographe Thora Herrmann; les épidémiologistes Cécile Aenishaenslin, Christopher Fernandez-Prada, Patrick Leighton et Audrey Sion, de la Faculté de médecine vétérinaire) et de l’extérieur (l’anthropologue Francis Lévesque, de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et la professeure de communication Johanne Saint-Charles, de l’Université du Québec à Montréal), il travaille notamment à l’évaluation d’une série d’interventions «visant à réduire les risques et à augmenter les avantages pour la santé humaine à l'interface humain-chien dans le nord du Canada». Les Inuits, ainsi que les Cris, les Naskapis et les Innus, vivent en relation étroite avec les chiens, qui peuvent également être des vecteurs de la rage.

Depuis plus de 10 ans, la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM mène des travaux au Nunavik afin de prévenir les problèmes liés à la cohabitation des humains avec les animaux. Les besoins sont immenses, car cette région ne peut compter sur aucun vétérinaire à temps plein. «Nous abordons ces communautés en respectant les différentes dimensions de la santé, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé: santé physique, mais aussi santé mentale et santé sociale», mentionne le professeur Ravel.

Chaleur et bactéries

Cette menace n’est qu’un exemple des sujets sur lesquels se penche le Dr Ravel. Il est reconnu pour son expertise en matière de zoonoses bactériennes (salmonellose, campylobactériose et infections à Escherichia coli) et parasitaires (giardiase, cryptosporidiose). «Voici un autre type de maladie qui pourrait voir son rayon s’agrandir en fonction des changements climatiques, poursuit le vétérinaire épidémiologiste: la campylobactériose, qui est causée par des bactéries qui se trouvent dans les déjections animales de plusieurs mammifères et oiseaux domestiques ou sauvages. En cas de pluies abondantes, la bactérie qui la produit peut se retrouver dans les sources d’eau potable. Et les changements climatiques augmentent le nombre et l’intensité de ces pluies abondantes.»

Les effets de l’infection par des campylobacters ne sont pas mortels, mais ils peuvent se faire sentir sur la productivité en raison de l’absentéisme provoqué. «Les symptômes sont ceux de la gastroentérite classique: diarrhée, vomissements, maux de ventre», résume le chercheur.

D’autres travaux transdisciplinaires sont effectués par le GREZOSP, qui célèbre cette année ses 20 ans d’existence. Ce groupe unique en son genre est né d’une entente de partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada qui se poursuit depuis alors que d’autres ententes ont été conclues avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments et l’Institut national de santé publique du Québec. Dix chercheurs du GREZOSP sont aussi associés à l’axe Une seule santé du monde du Centre de recherche en santé publique tout nouvellement financé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Rue Cousineau, dans Cartierville, à Montréal, le 8 mai 2017-Trois sauveteurs tirant un canoe gonflable avec un homme-CRÉDIT : GONE COASTAL.

Sasha Luccioni, une chercheuse en apprentissage machine qui a commencé son stage postdoctoral en février dernier à Mila, dirige un projet appelé Visualiser le changement climatique.

Sous la direction du professeur Yoshua Bengio, cette jeune femme de 29 ans née en Russie, qui a grandi à Toronto, a fait des études à Paris et Montréal et effectué des stages en Corée du Sud et en Argentine, se spécialise dans l'utilisation de l'intelligence artificielle comme outil éducatif.

Nous avons discuté avec elle de son plus récent projet.

Sur quoi porte votre projet?

L'idée est d'utiliser certains types de réseaux neuronaux appelés réseaux antagonistes génératifs, qui sont capables de créer de nouveaux contenus, et de leur soumettre les bons ensembles d'images d'entraînement pour qu'ils génèrent de nouvelles images basées sur des modèles climatiques probabilistes. Nous avons commencé par des images d'inondation et les réseaux nous ont montré à quoi ressemblerait l'extérieur de différentes habitations dans les prochaines décennies si elles sont touchées par ce genre de catastrophe.

Les images sont-elles propres à chaque habitation et sa géolocalisation?

Nous travaillons actuellement sur un prototype: nous saisissons une adresse, puis nous lançons une recherche dans Google Street View pour obtenir ses coordonnées GPS. En fonction de ces coordonnées, nous interrogeons un modèle climatique qui nous indique quel sera le niveau d'eau à cet endroit, le cas échéant. Nous pouvons prédire le niveau d'eau d'après la topologie du terrain.

Peut-on connaître la probabilité d'inondation à différents moments dans le temps ou seulement à un moment précis?

Le prototype actuel nous montre les probabilités en 2050, mais lorsqu'il sera parfaitement au point, nous voulons pouvoir anticiper différents futurs climatiques. Nous nous basons actuellement sur un scénario de maintien du statu quo pour développer notre modèle, mais il existe d'autres scénarios qui tiennent compte des efforts visant à lutter contre les changements climatiques; si nous utilisons ces scénarios, nous pourrons montrer aux gens l'influence qu'ils peuvent avoir en modifiant leurs habitudes de vie.

Quel est votre public cible?

Nous ciblons les jeunes de 16 à 30 ans, car ce sont eux qui hériteront de la situation actuelle, et aussi en raison de l'aspect éducatif de ce projet: comment les changements climatiques influencent les régimes climatiques par exemple. Les jeunes sont également une cible de choix, car ils sont très présents sur Internet et ouverts à l'utilisation des technologies que nous mettons au point, comme notre application mobile.

Cherchez-vous à faire appel aux motivations personnelles des gens?

Oui, car la dimension cognitive des changements climatiques pose un véritable problème. Selon les psychologues cognitivistes, quand on ne perçoit pas les répercussions d'un problème sur soi-même, on y est moins sensible. Nous tentons de changer cet état de fait afin de montrer aux gens de quelle façon un endroit auquel ils sont attachés peut être touché et de quelle façon des actions entreprises par une collectivité peuvent changer les choses de façon concrète et précise.

Avez-vous entré votre propre adresse dans le modèle?

Oui, bien sûr. Tous les membres de l'équipe l'ont fait. Nous avons aussi entré l'adresse de Mila. Le modèle fonctionne plutôt bien pour ces adresses, mais nous voulons maintenant le tester sur des endroits que nous ne connaissons pas – comme des zones rurales et éloignées. Les gens vivent dans toutes sortes de lieux et toutes sortes d'habitations; par conséquent, plus les tests seront variés, plus le modèle sera fiable.

À quel moment les gens pourront-ils utiliser votre système?

Au début 2020, à priori. Nous voulons commencer par un lancement discret. À l'heure actuelle, le système est protégé par un mot de passe; les gens peuvent entrer leur adresse et nous pouvons voir l'image de sortie. Mais nous devons améliorer son fonctionnement: quelles images donnent de bons résultats, lesquelles sont moins efficaces, quel est le meilleur moyen d'interroger Google Street View pour obtenir la meilleure image… Ensuite, nous procéderons au lancement, en janvier.

Et il y aura une application mobile?

Oui, elle s'appelle ClimatePix. Les gens peuvent envoyer leurs propres photos – des photos des inondations dans l'ouest de l'île ou à Gatineau par exemple. Nous espérons recevoir davantage de données pour aider notre modèle à s'améliorer.

Comment participer

Vous pouvez aider Sasha Luccioni et son équipe à faire du projet Visualiser le changement climatique une réalité: téléversez vos photos de maisons et de rues inondées dans ClimatePix, accompagnées d'une brève description. Surveillez aussi le lancement de la version finale en 2020.

Vue sur une batterie dans un voiture électrique.

Alors que le Québec est engagé dans l’électrification des transports, des scientifiques se penchent sur l’enjeu du recyclage des batteries, essentiel dans une optique de développement durable.

Mickaël Dollé, chercheur principal au Laboratoire chimie et électrochimie des solides de l’Université de Montréal, travaillera à approfondir les connaissances sur le recyclage des batteries en partenariat avec le Collège Shawinigan et le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales (CNETE). Les gouvernements du Canada et du Québec ont accordé une subvention de 3,9 M$ pour le projet de cinq ans.

«Pour les véhicules électriques, on parle de batteries de quelques centaines de kilos chacune, explique Mickaël Dollé. Les différents partenaires devront les recueillir, les démonter, puis solubiliser les principaux composants pour en extraire les éléments stratégiques séparément comme le lithium, le cobalt, le nickel et le manganèse.»

Ensuite, ces solutions seront purifiées et traitées pour être réintégrées, à l’UdeM, dans le processus de fabrication de nouveaux matériaux d’électrode pour des batteries lithium-ion.

«Nous pourrons ensuite fournir de l’information sur la qualité des solutions obtenues en évaluant la performance de ces matériaux fabriqués à partir de batteries recyclées et confirmer que leurs capacités de stockage sont équivalentes à celles des matériaux originaux», indique le professeur du Département de chimie.

Pour relever le défi, il cherche à recruter des étudiants à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat dans des domaines comme la chimie analytique, la science des matériaux et l’électrochimie. Ils travailleront en collaboration avec des étudiants et chercheurs du Collège Shawinigan.

Nemaska Lithium et Société Laurentide sont les partenaires industriels du projet, qui devrait mener à l’implantation d’usines de recyclage de différents types de batteries à Shawinigan.

Priorité au développement durable

Ce projet de recherche appliquée vient répondre à un réel enjeu de société alors que les véhicules électriques prennent de plus en plus de place sur le marché. Un nombre toujours plus élevé de batteries arriveront en fin de vie et il faut trouver une façon de les recycler efficacement.

«La plupart des procédés qui existent ne permettent pas de récupérer le lithium, affirme Mickaël Dollé. Y arriver nous permettra d’éviter l’enfouissement et nous assurera une certaine autonomie énergétique comparativement aux pays qui devront compter sur l’extraction de ressources minières, de plus en plus recherchées, pour fabriquer leurs batteries.»

Cela fait 18 mois que l’équipe du professeur s’est attaquée à cet enjeu avec Nemaska Lithium et ils sont parvenus à optimiser un procédé qu’ils ont breveté.

«C’est un secteur de recherche intéressant pour nous, précise M. Dollé. Et il s’intègre dans la volonté de la Faculté des arts et des sciences d’être particulièrement active dans les enjeux de développement durable.»

Divers autoroutes se croisant sur les uns et les autres.

Améliorer et concevoir des algorithmes à la fine pointe de la technologie, incluant l’intelligence artificielle, l’optimisation et la science des données, font partie des objectifs de ce projet d’envergure. À terme, il vise à répondre aux problématiques associées au parc automobile urbain actuel, source importante de congestion routière et d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Netlift et Prompt-InnovR ont contribué à hauteur de 1,5 M$ chacun afin de permettre la réalisation de cet ambitieux projet de recherche.

Celui-ci est le fruit d’un effort collectif de Polytechnique Montréal, de l’Université de Montréal et de l’Institut de valorisation des données (IVADO) pour mettre à contribution un bassin de chercheurs et d’étudiants issus des meilleurs centres mondiaux de recherche en intelligence artificielle et en optimisation, tels que la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la science des données pour la prise de décision en temps réel de Polytechnique Montréal et le Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT) de l’UdeM.

Les connaissances qui auront été acquises et les méthodes de pointe qui auront été conçues à l’issue de ces trois années de recherche feront de Netlift une application encore plus performante et indispensable pour réduire la congestion urbaine et les émissions de GES. Netlift confirmera ainsi sa position de chef de file en mobilité urbaine sur la scène internationale.

«Un projet de recherche de cette ampleur sur la mobilité n’a jamais été vu au Québec et Netlift est extrêmement fier d’en être l’instigateur, a déclaré Marc-Antoine Ducas, président de Netlift. Nous sommes convaincus que ce projet permettra de réduire la surutilisation de la voiture solo, un enjeu social et environnemental majeur partout dans le monde.»

Pour Luc Sirois, directeur général de Prompt, le projet est un «exemple percutant de ce que permet d’accomplir la collaboration en recherche. Netlift et ses partenaires trouvent des solutions créatives et sans précédent aux problèmes quotidiens de transport par le biais de l’intelligence artificielle. C’est un beau succès auquel Prompt est fier de contribuer pour améliorer la qualité de vie des Québécois».

La directrice des partenariats à l’IVADO, Nancy Laramée, a rappelé que le maillage entre l’expertise universitaire et les besoins de l’industrie est la mission première de l’Institut. «Nous sommes très fiers de participer à ce projet d’envergure avec Netlift, qui catalysera les avancées dans le domaine de la mobilité», a-t-elle indiqué.

Andréa Lodi, titulaire de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur la science des données pour la prise de décision en temps réel et professeur à Polytechnique Montréal, s’est dit ravi de mettre à contribution l'expertise de la Chaire. «Le maillage des conducteurs et des passagers, la planification de routes multimodales et l'intégration de données en temps réel sont autant de défis sur lesquels les avancées récentes en optimisation pourront avoir une influence significative.»

«Ce projet avec Netlift permettra d’élaborer de nouveaux modèles de transport plus écologiques en offrant des choix mieux adaptés aux utilisateurs grâce à des algorithmes d’optimisation», s’est réjoui Bernard Gendron, professeur à l’Université de Montréal et chercheur au CIRRELT.

À propos de Netlift

Fondée à Montréal en 2012, Netlift est une application de transport planifié unique au monde alliant covoiturage et déplacements en taxi et offrant une solution de mobilité simple, garantie et efficace. Accessible à partir d’un téléphone mobile intelligent, Netlift met en contact des passagers et des conducteurs disposés à partager, moyennant quelques dollars par trajet, les places disponibles dans leur véhicule pour aller travailler ou simplement pour se déplacer.

À propos de Prompt

Prompt est un consortium de recherche collaborative appuyé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec pour établir des partenariats et favoriser le financement en recherche et développement ainsi que dans les secteurs des technologies de l’information et de la communication, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité.

À propos de l’IVADO

L’IVADO, né d’une initiative de HEC Montréal, Polytechnique Montréal et l’Université de Montréal, regroupe plus d’une centaine de partenaires industriels, universitaires et gouvernementaux. Réunissant au-delà de 1200 scientifiques, l’IVADO est un centre de compétences avancées et multidisciplinaires dans les domaines des statistiques, de l’intelligence artificielle et de la recherche opérationnelle. Sa mission est de: 1) participer à l’établissement d’une filière économique autour de l’exploitation des données massives pour la prise de décision; 2) nouer des partenariats privilégiés entre l’industrie et les universitaires; 3) contribuer à l’avancement des connaissances et former les nouvelles générations de scientifiques des données; et 4) favoriser l’échange et le partage des connaissances entre spécialistes, partenaires, chercheurs et étudiants. L’IVADO fédère six centres de recherche: la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la science des données pour la prise de décision en temps réel, le CIRRELT, le Centre de recherches mathématiques, le Groupe d’études et de recherche en analyse de décisions, l’Institut québécois d’intelligence artificielle et le Tech3Lab.

À propos de Polytechnique Montréal

Fondée en 1873, Polytechnique Montréal est l’une des plus importantes universités d’enseignement et de recherche en génie du Canada. Elle occupe le premier rang au Québec pour l’ampleur de ses activités de recherche en génie. Polytechnique Montréal est située sur le campus de l’Université de Montréal, le plus grand complexe universitaire francophone en Amérique. Avec plus de 49 000 diplômés, Polytechnique a formé 22 % des ingénieurs en exercice membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec. Elle propose plus de 120 programmes de formation. Polytechnique compte 260 professeurs et 8600 étudiants. Son budget annuel de fonctionnement s’élève à 215 M$, dont un budget de recherche de 81 M$.

Sources: Netlift, Prompt-InnovR et IVADO.

Le trille blanc abonde dans les boisés de Laval. Il est aussi présent sur le mont Royal.

Avez-vous déjà eu l’impression que des fleurs vous épiaient lorsque vous marchiez en forêt? C’est après avoir éprouvé semblable sensation que le professeur associé Simon Joly, également chercheur au Jardin botanique de Montréal, a décidé d’étudier le trille blanc.

«En longeant un boisé sur le chemin du travail un matin de mai, j’ai remarqué que toutes les fleurs de trille étaient tournées vers moi, relate Simon Joly. Le lendemain, ma boussole à la main, j’ai fait un arrêt dans le boisé pour mesurer le phénomène.» Les mesures ont montré que ces fleurs étaient majoritairement orientées vers le sud, soit vers le soleil à son zénith. Mais pourquoi?

Le tournesol des bois

La capacité des plantes à faire face ou à suivre le soleil s’appelle héliotropisme. Un de ses représentants le plus connu est sans doute le tournesol, mais il n’est pas le seul.

Plusieurs autres végétaux, notamment des plantes arctiques, suivent la course du soleil. «Cela permet aux fleurs d’augmenter leur température, ce qui attire les pollinisateurs, qui aiment la chaleur, mais aussi d’accélérer le développement des fruits», précise le professeur du Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal.

Le trille blanc pourrait aussi profiter des forêts sans feuilles du début du printemps pour capter plus de lumière et ainsi attirer en plus grand nombre les abeilles et les bourdons qui le pollinisent. Mais pour mieux comprendre le phénomène, davantage d’études étaient nécessaires.

La fleur qui change de cap

Depuis le début de mai, Maryane Gradito arpente les boisés lavallois pour étudier l’héliotropisme chez le trille blanc. «Les boisés de Laval sont idéals pour observer cette plante parce qu’elle y est abondante et parce qu’elle est peu broutée par les cerfs de Virginie, peu communs sur l’île», explique l’étudiante de premier cycle en sciences biologiques à l’UdeM et stagiaire pour l’été au laboratoire de Simon Joly à l’Institut de recherche en biologie végétale.

L’étude de plus de 600 fleurs provenant de trois populations de trilles blancs a confirmé les résultats préliminaires: l’orientation de ces végétaux n’est pas aléatoire et la grande majorité d’entre eux étaient orientés vers le sud ou le sud-ouest, selon la population.

L’étudiante voulait aussi voir si l’orientation des fleurs changeait au cours de la journée et les résultats l’ont surprise. «La plupart des fleurs tournaient de quelques degrés vers l’ouest pendant la journée, mais quelques rares fleurs pouvaient faire un demi-tour complet pour revenir à leur orientation initiale le soir», note-t-elle.

En somme, la poursuite du soleil n’est donc pas aussi importante qu’elle l’est pour le tournesol, mais l’héliotropisme existe bel et bien chez le trille blanc!

Un phénomène lié à une meilleure fécondité?

Depuis le début de mai, Maryane Gradito arpente les boisés lavallois pour étudier l’héliotropisme chez le trille blanc. «Les boisés de Laval sont idéals pour observer cette plante parce qu’elle y est abondante et parce qu’elle est peu broutée par les cerfs de Virginie, peu communs sur l’île», explique l’étudiante de premier cycle en sciences biologiques à l’UdeM et stagiaire pour l’été au laboratoire de Simon Joly à l’Institut de recherche en biologie végétale.

L’étude de plus de 600 fleurs provenant de trois populations de trilles blancs a confirmé les résultats préliminaires: l’orientation de ces végétaux n’est pas aléatoire et la grande majorité d’entre eux étaient orientés vers le sud ou le sud-ouest, selon la population.

L’étudiante voulait aussi voir si l’orientation des fleurs changeait au cours de la journée et les résultats l’ont surprise. «La plupart des fleurs tournaient de quelques degrés vers l’ouest pendant la journée, mais quelques rares fleurs pouvaient faire un demi-tour complet pour revenir à leur orientation initiale le soir», note-t-elle.

En somme, la poursuite du soleil n’est donc pas aussi importante qu’elle l’est pour le tournesol, mais l’héliotropisme existe bel et bien chez le trille blanc!

Un phénomène lié à une meilleure fécondité?

La prochaine étape de leur recherche consistera à aller cueillir les fruits et à compter le nombre de graines fécondées auprès de 300 fleurs qui étaient orientées tant au nord qu’au sud ainsi qu’à l’est et à l’ouest. Ce travail très minutieux effectué au microscope permettra de vérifier si les fleurs exposées au sud ont engendré plus de descendants que celles tournées vers les autres directions.

«Si l’héliotropisme est vraiment avantageux pour la fécondation du trille blanc, les fleurs orientées vers le sud devraient avoir un avantage reproductif et donc produire plus de graines», suggère Simon Joly.

Regardez, mais ne touchez pas!

Le trille blanc est une vedette de nos forêts tempérées au printemps. Malheureusement, il est désigné espèce vulnérable au Québec en raison, notamment, du broutage par les herbivores, des prélèvements de spécimens pour la vente et de la destruction des habitats.

Bref, interdit de le cueillir dans la nature!

«Le trille blanc nécessite un environnement riche et diversifié pour son long développement ‒ il faut près de 10 ans avant que la première fleur éclose! ‒, d’où l’importance de protéger les forêts et les espèces fragiles qui s’y trouvent, concluent les chercheurs. Nous espérons que, en comprenant mieux les mécanismes de reproduction du trille blanc et en le faisant davantage connaître du public, nous contribuerons à sa conservation.»

Lorna Heaton-CRÉDIT : AMÉLIE PHILIBERT.

Ornithologues et astronomes de carrière doivent beaucoup aux non-spécialistes mais néanmoins amoureux de ces disciplines qui soutiennent le développement des connaissances par leurs observations sur le terrain. En biologie, on appelle ce phénomène «pratiques amateurs» et un groupe de chercheurs vient d’y consacrer un ouvrage aux Presses de l’Université de Montréal: La reconfiguration du travail scientifique en biodiversité. «Les technologies numériques jouent un rôle crucial dans l’émergence de pratiques amateurs structurées, notamment par la multiplication des plateformes collaboratives et des bases de données sur le Web, qui facilitent la participation des amateurs et du grand public à la recherche scientifique», écrit Lorna Heaton dans l’introduction de l’ouvrage, qu’elle a codirigé avec Florence Millerand, Patricia Dias da Silva et Serge Proulx.

L’accès aux plateformes numériques facilite l’échange d’informations de part et d’autre, reconnaît la professeure de communication de l’Université de Montréal en entrevue à Entre guillemets. Mais les professionnels ont la responsabilité de bien encadrer la participation des non-spécialistes: «proposer des protocoles et savoir évaluer la justesse des données». Les amateurs peuvent produire des données tout à fait acceptables, mais il ne faut pas les laisser à eux-mêmes. Cette expertise se raffine avec le temps et c’est le sujet de ce livre, qui traite de sciences naturelles (ornithologie, botanique, entomologie…), mais aussi de nouveaux enjeux comme la numérisation des collections et leur diffusion dans la population.

Lorna Heaton et autres, La reconfiguration du travail scientifique en biodiversité, Les Presses de l’Université de Montréal, 2018, 264 p.

youtu.be/CVsAiQvN3MM

Petit chêne en début de croissance.

C’est difficile à croire, cette année, avec cette neige et ce froid persistants, diront les climatosceptiques, mais les printemps hâtifs tout en chaleur et en luminosité sont de plus en plus fréquents en raison des changements climatiques. Et cela a un effet sur la sortie du feuillage des arbres. Mais jusqu’à quel point? Simon Joly, professeur associé au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, vient de montrer dans une étude publiée dans Methods in Ecology and Evolution que la génétique aide à prédire avec plus de précision le moment du débourrement, c’est-à-dire la sortie des feuilles au printemps.
«Nous avons découvert que les individus au sein d’espèces qui sont plus près les uns des autres sur le plan des gènes réagissent de façon plus semblable aux signaux environnementaux que ceux qui sont plus loin génétiquement», explique Simon Joly.

Une association gagnante

Pour arriver à cette conclusion, il a répondu à l’appel de sa collègue Elizabeth Wolkovich, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique et auparavant rattachée à l’Université Harvard, qui étudie la réaction des arbres aux changements climatiques. Elle a voulu ajouter l’aspect génétique à ses travaux, une spécialité de Simon Joly, afin de voir si l’on pouvait ainsi mieux prédire le moment où les feuilles s’ouvrent au printemps.

Ils ont choisi 10 espèces d’arbres et de plantes assez communes dans les deux régions, comme l’érable de Pennsylvanie, le hêtre à grandes feuilles, le chêne rouge et des espèces de chèvrefeuille, de peuplier et de bleuet. Des branches ont été prélevées dans la forêt de Harvard au Massachusetts et à la Station de biologie des Laurentides de l’UdeM en janvier, une fois que les arbres et arbustes avaient eu suffisamment froid pour que les feuilles puissent s’ouvrir au printemps.

«Il y a trois signaux environnementaux principaux qui jouent un rôle dans l’éclosion des bourgeons: le froid subi, la température et la longueur des jours, mentionne Simon Joly, qui est aussi botaniste-chercheur au Jardin botanique de Montréal. Une fois recueillies, les branches ont été gardées au froid et amenées à l’arborétum Arnold de Harvard, dans des chambres de croissance où la température et la longueur des jours sont contrôlées.»

L’expérience a été réalisée avec des jours de 8 et de 12 heures, puis des températures de jour de 15 et de 20 °C.

L’effet de la température plus grand que la lumière

L’expérience a révélé qu’une température de 5 °C plus élevée cause un débourrement 20 jours plus tôt en moyenne ‒ l’incidence pour chaque espèce peut varier considérablement. Par ailleurs, des jours plus longs font devancer l’ouverture des feuilles d’une douzaine de jours.

Ces résultats sont estimés avec plus de précision lorsqu’on tient compte de l’information génétique des arbres et des arbustes.

«Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé de grandes différences génétiques chez les individus d’une même espèce entre les deux régions, précise Simon Joly. Chez les arbres, les gènes circulent assez rapidement avec le pollen, alors certains individus du Massachusetts pouvaient être plus près génétiquement d’individus du Québec que d’autres du Massachusetts.»

Même s’il demeure ardu de prédire à quoi ressembleront nos printemps avec les changements climatiques, cette étude illustre que les plantes réagiront fortement aux altérations du climat et que la génétique a un rôle à jouer dans leur capacité à faire face aux modifications du climat.

Quels arbres s’adapteront le mieux?

Ces résultats permettent d'envisager une foule de possibilités pour de nouvelles études.

«On en apprendra certainement plus en considérant la génétique dans de prochaines recherches pour déterminer, par exemple, quels individus au sein des espèces sont mieux prédisposés à faire face aux changements climatiques, indique Simon Joly. Ainsi, des plantes pourraient avoir le potentiel pour s’adapter à ce qui s’en vient. Mais cela dépendra tout de même de l’amplitude des changements climatiques qu’on vivra, ce qui reste pour l’instant inconnu.»

Le chercheur se questionne aussi sur la réaction de tout l’écosystème à l’augmentation de la température, comme les insectes qui se nourrissent de feuilles. «Réagiront-ils de la même façon que les arbres? C’est ce type de question très complexe que les gens commencent à se poser et sur lequel il faudra se pencher en collaborant avec des chercheurs de différentes disciplines.»

Les travaux réalisés par les étudiants, professeurs et experts qui ont participé au WAT_UNESCO d'Évry, en mai 2017, ont été consignés dans un livre qui est publié à l'occasion de la Journée internationale du vivre-ensemble en paix.

Comptant 520 000 habitants et fondée dans les années 60 à quelque 30 km au sud de Paris, Évry est considérée comme une «ville nouvelle» dans le langage urbanistique. Or, jusqu’à tout récemment, il existait peu d'interactions entre les habitants d'Évry et les étudiants de l’Université d’Évry-Val-d’Essonne.

Invitée par les élus d’Évry-Courcouronnes et les dirigeants de l’Université, la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal a réuni, au printemps 2017, quelques dizaines de chercheurs issus de quatre pays afin de proposer des stratégies destinées à favoriser le vivre-ensemble dans une perspective de développement durable.

Le résultat de leurs travaux est publié ces jours-ci à Paris, à l’occasion de la Journée internationale du vivre-ensemble en paix, qui a lieu le 16 mai. Et déjà, certaines propositions ont trouvé de l’écho auprès des décideurs politiques.

Une activité de coopération internationale de l’UNESCO

Dirigée depuis sa création en 2003 par le professeur Philippe Poullaouec-Gonidec, de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’UdeM, la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l'Université de Montréal (CUPEUM) est un organisme international qui réalise des activités scientifiques et de réflexion visant à dégager des visions d’aménagement pour résoudre concrètement les problèmes environnementaux, sociaux et économiques des villes.

Jusqu’à présent, la CUPEUM a organisé 11 ateliers de travail dans différentes villes du monde, dont Montréal en 2011 et São Paulo en 2016. Ce type de «workshop_atelier/terrain» ‒ désigné WAT_UNESCO ‒ est une activité de coopération qui regroupe des acteurs locaux et des chercheurs étrangers dans une réflexion sur le devenir des villes.

Le WAT_UNESCO s’inscrit dans l’objectif no 11, sur les 17, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies: «Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables.»

La CUPEUM contribue concrètement à cet énoncé en élaborant des stratégies qui tiennent compte des préoccupations en matière, par exemple, d’agriculture urbaine, de bien-être urbain, d’infrastructures liées à la mobilité et à l’énergie, de réduction des effets des changements climatiques et de préservation de la biodiversité urbaine.

De la démarche scientifique à l’application de solutions concrètes

Le WAT_UNESCO d’Évry, qui s’est déroulé en mai 2017, a été le point culminant d’une recherche amorcée un an et demi plus tôt par des chercheurs des universités de Tunis, de Rome, de Paris, d’Évry et de Montréal.

«Les chercheurs ont rencontré les différents acteurs territoriaux et recueilli des informations sur le terrain, ce qui leur a permis d’effectuer certains constats complémentaires aux études urbanistiques existantes», explique Philippe Poullaouec-Gonidec.

Par la suite, plus d’une vingtaine d’étudiants et plus d’une dizaine de professeurs, d’experts et d’élus se sont réunis à Évry pour un atelier de conception intensif (WAT_UNESCO) qui a duré 11 jours.

«L’idée d’un WAT_UNESCO est de mélanger les cultures et les disciplines et d’instaurer un dialogue entre les savoirs universitaires, municipaux (élus et experts) et citoyens relatifs au devenir des villes et à leurs enjeux et singularités, poursuit M. Poullaouec-Gonidec. Les villes du 21e siècle se bâtiront à travers le filtre de plusieurs valorisations et aspirations sociales et culturelles, c’est ce à quoi nous nous appliquons.»

Ensemble, les participants ont ainsi défini cinq stratégies d’aménagement en deux et en trois dimensions, qui ont ensuite été soumises à un jury.

«Trois stratégies ont été récompensées pour leur capacité à alimenter la réflexion auprès des décideurs locaux dans une perspective d’élaboration d’appels d’offres pour aménager les espaces publics ciblés par la Ville d’Évry et par son université, indique M. Poullaouec-Gonidec. Et, deux ans plus tard, certaines idées formulées au cours du WAT_UNESCO se concrétisent, dont des espaces d’interaction entre le campus de l’Université d’Évry-Val-d’Essonne et les lieux publics, soit des rues et des friches urbaines qui ont été mises en valeur.»

La place de l’université dans la ville

L’objectif du WAT_UNESCO d’Évry était de réunir des intervenants locaux et des chercheurs étrangers autour d’une réflexion unique sur la place de l’université «dans et avec» la ville, afin d’alimenter la vision des élus en amont d’un processus de planification urbaine et dans un souci de développement durable.

«Le WAT_UNESCO tenu à Évry-Courcouronnes a démontré les effets structurants d’un dialogue entre l’université et sa ville pour créer des espaces publics de qualité à l’image de celui qui s’est tenu à Montréal en 2011, ajoute Philippe Poullaouec-Gonidec. Mais au-delà de cet engagement mutuel, il est essentiel que les villes et leurs universités unissent leur savoir face aux défis environnementaux, sociaux, culturels et économiques du 21e siècle.»

Avec le récent Plan d’action sur le savoir et le talent du Bureau de l’enseignement supérieur relevant du Service du développement économique (2018-2022) de la Ville de Montréal, la métropole laisse entrevoir des perspectives de collaboration innovante qui misent sur le savoir issu des quatre grandes universités montréalaises par la mise en valeur des talents et de leurs réseaux, pour participer au développement de l’agglomération.

À cet égard, le livre L'université et la ville: Évry, stratégies pour un modèle de partage comporte un chapitre traitant de l’avènement du campus MIL de l’UdeM, qui y est cité comme un exemple de campus ouvert sur le domaine public et intégré aux quartiers environnants.

«Les travaux des WAT_UNESCO constituent de la valorisation scientifique et montrent que l’enseignement des 2e et 3e cycles peut contribuer directement à la qualité d’un cadre de vie urbain viable, conclut M. Poullaouec-Gonidec. Et la Chaire UNESCO que je dirige sert justement de passerelle entre la société civile, les villes et le monde universitaire.»

Le terrain d'étude de Carolina Voigt: les tourbières du nord de la Finlande.

Les scientifiques constatent une source additionelle de gaz à effet de serre qui pourrait aggraver le réchauffement de la planète: le pergélisol de l'Arctique. En effet, le dégel d'anciennes tourbières du Grand Nord risque de libérer dans l'atmosphère le carbone qui se trouve actuellement dans le pergélisol.

Et le problème n'est pas circonscrit à l'Arctique. Des analyses scientifiques montrent qu'il existe plus de 1000 tourbières souterraines dans le monde qui, si elles sont perturbées de façon naturelle ou par l’activité humaine, pourraient relâcher encore plus de carbone.

Deux études menées par l’Université de l’est de la Finlande (UEF) et auxquelles participent des chercheurs de l'Université de Montréal soulignent l'importance de la matière végétale non décomposée ‒ la tourbe ‒ comme vecteur des changements climatiques.

  • Dans la première étude, publiée le 25 janvier dans Global Change Biology, la chercheuse postdoctorale en géographie de l'UdeM Carolina Voigt et ses collègues de l'UEF et de sept autres universités et organisations nordiques révèlent que dans l'Arctique, où les températures augmentent deux fois plus vite que dans le reste du monde, les tourbières du pergélisol dégèlent et rejettent du dioxyde de carbone dans l'atmosphère.
  • Dans la deuxième étude, parue le 12 mars dans Proceedings of the National Academy of Sciences, Julie Talbot, professeure agrégée de géographie à l'UdeM, et des chercheurs d'une vingtaine d'autres universités et organismes étrangers ont constitué une nouvelle base de données relatives à 1063 tourbières enfouies sous des champs, forêts et lacs qui, si elles sont découvertes, pourraient également émettre des gaz à effet de serre.

«Même si les tourbières ne représentent qu'environ trois pour cent de la surface du globe, elles stockent environ un tiers du carbone du sol, indique Julie Talbot. Elles ont par ailleurs tendance à se former pendant les périodes chaudes et, comme notre climat se réchauffe, la grande question est maintenant de savoir comment les tourbières vont évoluer.»

Incendies de forêt, drainage et inondation

Tant qu'elles restent enfouies, les tourbières aident en fait à ralentir les émissions de gaz à effet de serre en accumulant le carbone sous la terre. Mais lorsque les tourbières sont exposées ‒ par des phénomènes comme les incendies de forêt, le drainage ou les inondations ‒, le carbone risque d'être libéré dans l’atmosphère, contribuant ainsi au réchauffement climatique.

Dans le Grand Nord, le dégel du pergélisol dans les tourbières pourrait aussi mettre à nu ces stocks de carbone immobiles depuis longtemps. C'est le constat qu’ont fait Carolina Voigt et son équipe dans la zone de permagel de la Laponie finlandaise. Après avoir extrait des échantillons de tourbe de 80 cm de long qui comprenaient les 15 cm supérieurs de pergélisol, les chercheurs ont pu simuler la fonte du pergélisol en laboratoire, reproduisant des conditions quasi naturelles.

Ce qu'ils ont découvert est préoccupant: lorsque le pergélisol a commencé à fondre, la tourbe a émis de plus grandes quantités de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre qui accélère le réchauffement climatique. Ce qui reste inconnu, c'est l’ampleur et le temps que ce processus prendra dans la nature.

«C'est toujours délicat d'essayer d'établir un calendrier pour ce genre de chose et de projeter ce qui se passera à partir d'expériences en laboratoire, explique Carolina Voigt, postdoctorante au laboratoire d'Oliver Sonnentag, professeur agrégé de géographie à l'UdeM. Ce que nous pouvons dire à partir de nos résultats, c'est que ces types de tourbières peuvent libérer du CO2 si elles dégèlent. La couche de tourbe du pergélisol est épaisse et la fonte fournit un grand réservoir de carbone auparavant inaccessible, ce qui favorise la production de gaz à effet de serre.»

Il y a plus de 130 000 ans

Dans les climats nordiques comme l'Arctique, certaines tourbières ont commencé à se former entre les deux dernières glaciations, il y a plus de 130 000 ans, puis ont été enfouies pendant la glaciation suivante. Dans les climats tropicaux comme ceux de l'Afrique subsaharienne et de l'Asie du Sud-Est, les marais côtiers étaient enfouis sous des mers montantes il y a à peine 1000 ans, emprisonnant la végétation en dessous.

Julie Talbot tempère toutefois les inquiétudes. «Bien qu'il soit possible que les tourbières, et en particulier les tourbières du pergélisol, libèrent beaucoup de carbone en raison des changements climatiques, comme le laisse penser la recherche de Carolina [Voigt], notre étude montre que les tourbières pourront aussi avoir le potentiel de stocker beaucoup de carbone à l'avenir, car les périodes chaudes ont tendance à favoriser le stockage du carbone.»

«Ce qui est important, c'est que les deux scénarios soulignent l'importance de la conservation des tourbières», dit la professeure Talbot. D'autres recherches devront être entreprises, a ajouté Carolina Voigt: «Ce n'est qu'en étudiant les tourbières que nous pourrons comprendre le cycle du carbone de ces écosystèmes fragiles.»

Du nord au sud

Carolina Voigt, qui a vécu en Finlande pendant ses études de doctorat à l'UEF, concentre maintenant ses recherches sur les tourbières du pergélisol des Territoires du Nord-Ouest; cet été, elle y étudiera sur le terrain les flux de CO2 et de méthane.

Pour sa part, la professeure Talbot revient d'Amérique du Sud, où elle a travaillé sur les tourbières de la région subantarctique en Patagonie et en Terre de Feu, en Argentine et au Chili. «J’espère que nous pourrons apprendre des différences constatées entre ces tourbières et celles chez nous, a déclaré Julie Talbot, dont le laboratoire se spécialise dans l'étude de la stabilité à long terme des écosystèmes. Les plantes sont similaires aux deux endroits, nos tourbières se sont formées plus ou moins en même temps que les leurs, mais celles-ci sont dans un climat beaucoup plus sec. Nous verrons si c'est important.»

À propos des études

L'étude «Ecosystem carbon response of an Arctic peatland to simulated permafrost thaw», par Carolina Voigt et ses collaborateurs, a été publiée le 25 janvier dans Global Change Biology.

L'étude «Widespread global peatland establishment and persistence over the last 130,000 years», par Claire C. Treat et ses collègues, est parue le 25 février dans Proceedings of the National Academy of Sciences.

Le candidat au doctorat Maxime Fortin Faubert a reçu une des prestigieuses bourses de la Fondation David Suzuki.  CRÉDIT : FONDATION DAVID SUZUKI.

Utiliser des plantes et des champignons pour décontaminer les sols? L’idée peut surprendre. Et pourtant, depuis le printemps 2015, Maxime Fortin Faubert, candidat au doctorat en biologie à l’Université de Montréal et lauréat d’une bourse de 50 000 $ de la Fondation David Suzuki, se penche sur la question.

Au cours de ses études doctorales, M. Faubert a fait des recherches sur le vivant dans le but de mettre au point des solutions biotechnologiques novatrices pour décontaminer les sols et combattre les changements climatiques. Les résultats de ces travaux apportent de nouvelles façons d’adapter l’environnement au réchauffement de la planète et d’aménager des villes durables.

Techniquement, l’utilisation des saules et du substrat épuisé de champignonnières a déjà fait ses preuves. Sous la direction des professeurs Michel Labrecque et Mohamed Hijri, de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’UdeM, les travaux de Maxime Fortin Faubert en ont montré des effets significatifs sur la qualité des sols. Ils ont aussi révélé que l’approche permet de produire une grande quantité de la biomasse ligneuse, un produit d’une grande valeur économique. «Ces résultats sont encourageants, car ils démontrent la faisabilité de l’approche, estime le doctorant. En tout cas, en laboratoire la technique est intéressante.» Dans la réalité, les difficultés sont beaucoup plus grandes, admet-il. «On ne peut pas tout contrôler comme dans un laboratoire!»

Une chose est sûre: si l’on veut faire place nette, il faudra aller au-delà de la méthode traditionnelle qui consiste à faire l’excavation des sols, puis à enfouir leurs contaminants, une stratégie communément appelée dig and dump.

«Bien que simple et rapide, cette façon de faire ne résout pas le problème, explique Maxime Fortin Faubert. Elle ne fait que le déplacer. Toute la manutention qui y est associée engendre des quantités considérables de gaz à effet de serre et est si onéreuse que de nombreux propriétaires choisissent, tout simplement, d’abandonner les terrains contaminés dont ils sont responsables. En raison de leur faible fertilité, ces zones vacantes sont souvent mal végétalisées, agissant, de ce fait, comme des “îlots de chaleur” dans les milieux urbains, amplifiant ainsi les effets du réchauffement climatique.»

«La contamination des sols est une problématique environnementale majeure, à laquelle toutes les municipalités canadiennes sont confrontées et qui a d’importantes répercussions sur la santé humaine et environnementale», précise le chercheur de 28 ans. Hélas, vu la durée de vie des contaminants de certains terrains, le temps qui passe n’y changera pas grand-chose: en 2030, 2050, ces terrains resteront dangereux… Si rien n’est fait.

Avantages environnementaux et socioéconomiques majeurs

«Dans mes études de doctorat, j’ai abordé le sujet en combinant la capacité naturelle du mycélium des champignons décomposeurs, encore présent dans le substrat de culture après la récolte commerciale, par exemple des pleurotes pour dégrader les contaminants organiques, avec celles des plantes ligneuses à croissance rapide, telles que les saules, afin de séquestrer le carbone ainsi que les contaminants inorganiques comme les métaux dans leurs tissus, indique le chercheur. Mon objectif était de vérifier l’incidence de la combinaison de ces organismes, reconnus pour leur efficacité respectivement en mycoremédiation et en phytoremédiation, sur la production de biomasse végétale, sur les contaminants et les communautés microbiennes du sol, pour tenter de mieux comprendre les interactions biologiques complexes qui ont lieu dans les sols contaminés.» 

Un travail de longue haleine et innovateur qui nécessite des compétences et expertises dans différents domaines, dont l’écotoxicologie, la métagénomique, la microbiologie, la botanique, l’hydrologie et la chimie. Maxime Fortin Faubert prévoit déposer sa thèse au printemps et entamera ensuite le projet captivant pour lequel la bourse David Suzuki lui a été attribuée.

Grâce à cette prestigieuse bourse, il brossera le tableau actuel des sols contaminés sur l’île de Montréal pour repérer les lieux vacants qui contribuent le plus aux îlots de chaleur et déterminer lesquels pourraient être transformés en espaces verts afin d’améliorer le degré de résilience de Montréal face aux changements climatiques.

«Je suis très enthousiaste à l’idée d’entreprendre un projet qui vise à élaborer des solutions durables pour résoudre des enjeux environnementaux et socioéconomiques», fait-il valoir. 

2018

Mésange.

Au cours des prochaines décennies, l’habitat des oiseaux de la forêt boréale du Québec connaîtra des transformations majeures dues aux changements climatiques. Des espèces qu’on ne rencontre aujourd’hui que dans les basses Laurentides et dans la vallée du Saint-Laurent pourraient se retrouver sur les rives de la baie d’Ungava dans une trentaine d’années.

C’est l’un des constats qui ressort d’une étude prospective sur la distribution des espèces aviaires réalisée par Liliana Perez, professeure au Département de géographie de l’Université de Montréal, et deux chercheurs sous sa direction, soit Jonathan Gaudreau, diplômé de la maîtrise, et Saeed Harati, doctorant.

«Notre étude porte sur la disponibilité des niches écologiques de 37 espèces d’oiseaux qui résident à l’année dans la forêt boréale, précise Mme Perez. Nous avons analysé l’effet d’une augmentation du gaz carbonique sur ces niches selon deux scénarios de concentration et projeté les résultats pour 2050 et 2070.»

Ces 37 espèces regroupent notamment le geai gris, la mésange boréale, la mésange à tête noire, le corbeau commun, le gros bec errant, le roitelet à couronne rubis, la sittelle à poitrine rousse, le junco ardoisé et plusieurs variétés de parulines, de macareux et de bruants.

Températures et précipitations déterminantes

Les chercheurs ont d’abord cerné quelles variables géographiques et bioclimatiques sont les plus importantes pour assurer les conditions propices à l’établissement des espèces retenues. Six variables se sont avérées déterminantes: l’écart annuel entre les températures maximale et minimale, la température moyenne pendant le trimestre le plus froid, les précipitations saisonnières, les précipitations durant la saison la plus humide, l’élévation du sol et la disponibilité de l’eau.  

«Ces six variables expliquent 53 % de la distribution spatiale des 37 espèces de notre étude, soutient la professeure. Les deux facteurs principaux sont la température moyenne durant la saison froide et les précipitations pendant la saison humide. Plus la température du trimestre le plus froid est élevée à un endroit donné, plus le nombre d’espèces d’oiseaux à cet endroit sera haut. Le même rapport s’observe pour les précipitations au cours de la saison des pluies.»

En revanche, plus les écarts de températures et de précipitations sont grands durant l’année, moins le nombre d’espèces présentes sera élevé.

Afin de connaître les répercussions des changements climatiques sur ces habitats et de là sur l’abondance des espèces aviaires, les chercheurs ont par la suite mesuré l’effet que pourraient avoir des concentrations de gaz carbonique (CO2) de l’ordre de 538 ppm (parties par million) et de 670 ppm. À titre de comparaison, le niveau actuel de CO2 dans l’atmosphère est de 410 ppm.

Cap sur le nord

Dans les deux cas, les projections montrent une expansion marquée vers le nord des habitats de la majorité des espèces concernées. Avec une concentration de 538 ppm de CO2, des habitats au sud d’une ligne allant de la réserve faunique La Vérendrye jusqu’au lac Saint-Jean et favorables à une vingtaine d’espèces (zones jaunes sur les cartes) pourraient s’étendre au-delà du 50e parallèle, soit jusqu’au lac Mistassini.

Tout le sud du Québec, de Mont-Laurier jusqu’à l’île d’Anticosti, abriterait des habitats propices aux 37 espèces (zones vert foncé). Par contre, les habitats du sud-ouest de la Montérégie et de la région du lac Manouane et du réservoir de la Chute-des-Passes (entre le lac Saint-Jean et le réservoir Manicouagan) seraient perdus. «Ça ne veut pas dire qu’il n’y aurait plus d’oiseaux, mais que ces territoires ne seraient pas favorables aux espèces actuelles», souligne Mme Perez.

En 2070, les zones favorables aux 37 espèces seraient encore plus étendues, avec toutefois une perte d’habitats dans la région des Escoumins, sur la rive nord du Saint-Laurent, et, sur la rive sud, entre Trois-Pistoles et Rimouski. «Ces pertes seraient probablement dues à la montée du niveau des eaux du Saint-Laurent», estime-t-elle.

Paradoxe nordique

Avec une concentration de CO2 de 670 ppm, les habitats du nord-est de la baie d’Ungava pourraient abriter une vingtaine d’espèces boréales en 2050. Selon la chercheuse, ce scénario devient «inquiétant» en 2070. Les habitats propices aux 37 espèces s’étendraient alors au-delà du 50e parallèle, soit jusqu’au Labrador. Tout le territoire entre la baie d’Ungava et le Labrador pourrait héberger une vingtaine d’espèces à l’année.

Cette projection illustre ce que les chercheurs appellent le paradoxe nordique de la biodiversité: alors que la hausse des températures représente un risque d’extinction pour plusieurs espèces, leur nombre dans les régions nordiques devrait s’accroître.

«C’est toutefois préoccupant parce que cela signifie un déséquilibre important des écosystèmes, dont le dégel du pergélisol, déclare la géographe. Il y aura moins de migration dans le sud du Québec, mais de nouvelles espèces vont s’y installer, ce qui augmentera la compétition pour les ressources. L’effet de cette compétition est inconnu. Si les espèces du sud se déplacent vers le nord, il faudra aussi voir à préserver des habitats qui leur soient favorables et limiter les coupes forestières.»

Ces travaux sont à poursuivre afin de préciser quelles espèces bénéficieront ou souffriront de ces changements climatiques.

Champs d'agriculteurs près du fleuve et vue sur les montagnes.

Une étude dirigée par des chercheurs de l’Université de Montréal a déterminé pour la première fois quelle quantité maximale de nutriments ‒ le phosphore (un composant des engrais, est indispensable à la croissance des plantes) ‒ peut s’accumuler dans un bassin hydrographique avant d’atteindre les écosystèmes aquatiques.

Le phosphore, un composant des engrais, est indispensable à la croissance des plantes. Mais le minéral s’avère également nocif lorsqu’il est surutilisé. Une fois dans les eaux de surface, il peut entraîner une croissance excessive des plantes dans les lacs et les rivières, ainsi qu’une prolifération d’algues toxiques.

Le seuil critique moyen établi par les chercheurs dans leur étude publiée aujourd’hui dans Nature Geoscience est de 2,1 tonnes par kilomètre carré de terre. Au-delà de cette limite, les entrées supplémentaires dans les bassins hydrographiques provoquent une accélération marquée du nutriment dans le ruissellement des eaux.

Cette quantité est extrêmement basse, selon les chercheurs. En effet, étant donné le rythme d’utilisation actuel des nutriments à travers le monde, ce seuil de saturation pourrait être atteint dans certains cas en moins d’une décennie.

«Il faut voir la terre comme une éponge, dit Roxane Maranger, professeure au Département de sciences biologiques de l’UdeM. Après un certain temps, une éponge qui absorbe trop d’eau commence à fuir. Dans le cas du phosphore, la terre l’absorbe année après année et, à terme, sa capacité d’absorption est réduite. C’est à ce moment que les apports historiques de phosphore contribuent davantage à ce qui atteint nos eaux.» 

L’étude a été menée par Jean-Olivier Goyette, doctorant en biologie à l’UdeM supervisé par Mme Maranger et Elena Bennett, professeure à l’Université McGill.

Vingt-trois bassins hydrographiques examinés

Afin de calculer la quantité de phosphore accumulée depuis un siècle, les chercheurs ont reconstitué les pratiques historiques d’utilisation des terres de 23 bassins hydrographiques qui alimentent le fleuve Saint-Laurent.

Les deux principales sources de phosphore dans les terres drainées par les affluents du Saint-Laurent proviennent de l’agriculture (les engrais et le fumier animal) et des autres activités humaines (notamment par les eaux usées).

À l’aide de données gouvernementales du Québec, les chercheurs ont comparé l’accumulation estimée avec les concentrations de phosphore relevées dans l’eau depuis 26 ans. Puisque les bassins hydrographiques étudiés présentaient des parcours historiques divers ‒ certains étant exploités intensivement depuis des décennies et d’autres étant peu perturbés par les activités humaines ‒, cette méthodologie a permis aux chercheurs d’établir un gradient d'accumulation de phosphore dans les différents lieux examinés. Ainsi, ils ont pu observer le seuil d'accumulation au-delà duquel le phosphore est plus facilement transféré aux eaux de surface.

«Une contribution très importante»

«C’est une découverte très importante, affirme Elena Bennett. On se sert de nos connaissances sur les engrais et la pollution agricole à l’échelle restreinte de la ferme et nous les appliquons à grande échelle pour comprendre l’évolution historique des bassins hydrographiques.»

L’étude révèle par ailleurs que, même si l’agriculture intensive a débuté seulement dans les années 50 au Québec, certains des bassins hydrographiques avaient passé le seuil critique 30 ans plus tôt, dans les années 20.

Les chercheurs estiment que, même si les surplus d'apports en phosphore cessaient immédiatement, il faudrait de 100 à 2000 ans pour éliminer le phosphore accumulé dans les bassins hydrographiques saturés du Québec.

Dans certains pays, comme la Chine ou les États-Unis, et ailleurs au Canada, l’utilisation actuelle du phosphore est tellement massive que le point de saturation pourrait être atteint d’ici 5 ans. «Des stratégies de gestion des nutriments incorporant de nouvelles approches créatives […] sont nécessaires de toute urgence pour assurer la durabilité de nos ressources en eau», exhortent les chercheurs dans leur étude.

Recycler et réutiliser

«Certains pays européens ont déjà adopté des mesures d’atténuation, indique Jean-Olivier Goyette. Ainsi, au lieu d’ajouter plus de phosphore pour aider la croissance des plantes, on peut accéder au phosphore déjà emmagasiné dans le sol en employant de nouvelles approches. De plus, on peut recycler et réutiliser le phosphore en tant qu’engrais au lieu d’en produire davantage.»

Le dilemme vient du fait que la production alimentaire a besoin du phosphore, mais qu’un excès de ce minéral pollue l’eau quand il sort du bassin hydrographique et contamine les écosystèmes aquatiques adjacents.

«Est-ce que certains de nos bassins hydrographiques agricoles en plus mauvais état peuvent être restaurés? demande Roxane Maranger. Difficile de répondre, puisqu’il s’agit d’un problème de société. Il existe des solutions et il ne faut pas désespérer, mais c'est un enjeu majeur.»

À propos de l’étude

«Low buffering capacity and slow recovery of anthropogenic phosphorus pollution in watersheds», par J.-O. Goyette, E. M. Bennett et R. Maranger, a été publié le 8 octobre 2018 dans Nature Geoscience. doi: 10.1038/s41561-018-0238-x.

Kevin Wilkinson, professeur de chimie.

Kevin Wilkinson, professeur au Département de chimie, se voit accorder une subvention de 596 400 $ pour un projet de recherche portant sur les nanoparticules et les nanoplastiques dans les sols destinés à l’agriculture. Intitulé «Engineered particles at the start of the food chain: Quantifying Their Effects on Pesticide Targeting and Contaminant Mobility in Doils», ce projet s’effectuera en collaboration avec trois chercheurs de l’Université McGill. Cette subvention est attribuée dans le cadre du programme Subventions de partenariat stratégique du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, qui est appuyé par Environnement et Changement climatique Canada, Santé Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec et Vive Crop Protection.

Des nanoparticules sont incorporées dans de plus en plus de produits  d’utilité courante. Jusqu’à présent, peu de recherches ont été menées sur la mobilité et la biodisponibilité ainsi que les effets des nanoparticules sur les contaminants et des nutriments déjà présents dans les sols. Le projet de recherche permettra d’étudier les interactions, la mobilité et le sort des nanoparticules dans le but d’apporter un éclairage sur l’évaluation des risques associés à leur utilisation. M. Wilkinson et ses collègues se pencheront plus précisément sur les nanoparticules utilisées pour le ciblage des pesticides et sur les nanoplastiques.

Kevin Wilkinson

Kevin Wilkinson est le lauréat 2018 de l’Environment Division Research and Development Dima Award, remis par la société Dima Technology, pour son apport à la recherche et au développement dans le domaine de la chimie de l’environnement au Canada. Le professeur Wilkinson et son équipe s’intéressent à l’étude mécanistique des répercussions des contaminants sur l’environnement. Le groupe de recherche est reconnu pour son travail d’élaboration de techniques analytiques avancées pour quantifier l’exposition aux contaminants et pour ses mesures de la biodisponibilité des contaminants émergents par le recours aux biomarqueurs et aux techniques moléculaires classiques.

Cellule solaire souple.

Pourrez-vous un jour recharger votre appareil mobile, votre voiture ou même vos vêtements à l’aide de cellules solaires souples? Des chercheurs de l’Université Aalto, en Finlande, et de l’Université de Montréal étudient les possibilités de produire et de commercialiser à grande échelle cette technologie expérimentale, tout en travaillant sur les difficultés qui doivent être résolues au préalable, notamment son incidence sur l’environnement.

Pour que les cellules électroniques soient viables à l’échelle industrielle, il faudrait les produire au moyen d’un processus rouleau à rouleau, c’est-à-dire sur des rouleaux de feuilles de plastique ou de métal flexible, selon les chercheurs. L’impression par jet d’encre permettrait l’insertion précise de la couleur et des composantes électrolytes.

La problématique de l’encapsulation

L’encapsulation d’une cellule flexible présente également un défi de taille. Une encapsulation insuffisante pourrait entraîner une fuite de l’électrolyte liquide ou l’infiltration d’impuretés dans la cellule, ce qui réduirait considérablement la durée de vie de l’appareil.

«Les cellules solaires souples sont généralement fabriquées sur des feuilles de métal ou de plastique, qui comportent leur lot de risques: le métal peut rouiller, tandis que le plastique peut laisser de l’eau ou des impuretés s’infiltrer», affirme Kati Miettunen, gestionnaire de projet au Département de bioproduits et de biosystèmes de l’Université Aalto.

De plus, des innovations seront nécessaires pour fusionner les substrats (bases matérielles servant de support), puisque les techniques habituelles comme le collage de frittes de verre utilisées actuellement dans la fabrication des écrans plats et d’autres appareils ne conviennent pas aux cellules souples.

La durée de vie des appareils comme enjeu

«Pour commercialiser les cellules souples, il faudra également faire en sorte que la durée de vie des appareils soit suffisante par rapport à l’énergie requise pour les fabriquer, de façon que les cellules solaires ne se dégradent pas avant d’avoir produit plus d’énergie qu’il en aura fallu pour les concevoir», ajoute Jaana Vapaavuori, nouvelle professeure adjointe au Département de chimie de l’Université de Montréal.

Selon Mme Miettunen, qui collabore avec le Département de chimie de l’UdeM dans ses recherches, les découvertes issues de l’utilisation des biomatériaux ou des matériaux hybrides, tels que la pâte de bois comme substrat pour les cellules, pourraient nous permettre de réaliser des progrès à l’avenir. En effet, la capacité naturelle de ces matériaux à filtrer les impuretés pourrait bien fonctionner pour les cellules solaires.

Des vétérinaires se mobilisent pour le bien-être des animaux

Vaches et fleurs-Des vétérinaires se mobilisent.

Quelque 70 chercheurs et experts de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal s’unissent pour mettre sur pied le Centre d’expertise en santé et bien-être animal (CESA). «Depuis quelques années, le bien-être des animaux est une préoccupation majeure tant chez les éleveurs que dans la population en général et nous avons cru utile d’unir nos ressources et nos expériences pour répondre aux besoins du milieu et favoriser des collaborations avec nos partenaires externes», explique le directeur du Centre, inauguré le 30 mai à Saint-Hyacinthe, le Dr Luc Des Côteaux.

Professeur au Département de sciences cliniques et vice-doyen à la formation clinique, professionnelle et continue de la Faculté de médecine vétérinaire, le Dr Des Côteaux a travaillé à la mise en œuvre de ce projet, qui visait originalement la création d’un centre de référence en santé bovine. La Faculté de médecine vétérinaire a saisi l’occasion d’étendre le champ d’action du CESA aux autres animaux de production, de compagnie et de loisir même si les enjeux en matière de santé et de bien-être sont bien différents d’un groupe à l’autre.

Grâce à l’appui du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, le CESA a déjà un premier mandat en lien avec la Politique gouvernementale de prévention en santé 2016-2026, consistant à produire une étude de faisabilité et à proposer un plan d’action pour un système de monitorage de l’utilisation des antibiotiques. Pour ce faire, le nouveau centre disposera d’un budget de 275 000 $ pour la première année, une somme dont on souhaite le renouvellement pour obtenir des subventions trisannuelles jusqu’en 2026.

Le Québec est l’une des provinces les plus progressistes en matière de droits des animaux depuis l’entrée en vigueur, en décembre 2015, de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (chapitre B-3.1), qui interdit explicitement la maltraitance. Les vétérinaires et agronomes qui sont témoins sur leurs lieux de travail de cas de cruauté envers les animaux sont tenus de les rapporter aux autorités.

Liberté!

Avec quelque 500 000 vaches laitières, le Québec est en tête des provinces canadiennes quant à la production de lait. Mais dans la plupart des fermes, les animaux sont attachés jour et nuit. «On voit de plus en plus d’agriculteurs rénover leurs étables ou en construire de nouvelles pour permettre aux animaux de se déplacer librement. Cette tendance est liée à cette préoccupation à l’égard du bien-être des animaux», illustre le directeur du CESA.

Chez les bovins, les porcins et la volaille élevés pour l’abattage, c’est l’enjeu de l’antibiothérapie qui préoccupe les experts. Des équipes sont à surveiller les pratiques d’utilisation des antibiotiques. «Actuellement, il est difficile d’avoir une idée précise de la façon dont les éleveurs administrent les antibiotiques, et la question de la résistance des bactéries nous préoccupe.»

Dans les porcheries, le confinement est aussi un enjeu préoccupant. Mais il ne faut pas régler un problème en en créant un autre. Le Dr Des Côteaux mentionne que les truies qui ne sont plus confinées dans une section de mise bas ont tendance à écraser leurs porcelets…

Trois axes

Les orientations stratégiques du CESA pour les trois prochaines années sont de trois ordres: faciliter l’accès aux services spécialisés pour les partenaires, acquérir des «savoir-faire innovants» et transférer les connaissances.

La mission du Centre consiste à «développer et mettre en valeur l’expertise en santé et bien-être animal, en mettant en place des initiatives durables, en collaboration avec nos divers partenaires».

«Nous avons fait appel à tous ceux qui travaillent, de près ou de loin, sur la santé et le bien-être animal, indique le directeur de l’organisme. Cela inclut des épidémiologistes, des microbiologistes et des cliniciens. Il y a des représentants des milieux associatifs vétérinaires et experts, des milieux de production et de l’industrie, des groupes experts agronomiques et universitaires ainsi que des instances gouvernementales sur les scènes provinciale et fédérale.»

La création du CESA est l’un des 12 chantiers désignés par le plan d’action 2016-2021 adopté par la faculté. Le CESA, peut-on lire, «abordera l’avenue de constituer un groupe d’experts autour de l’analyse de donnés et du big data dans la perspective du suivi des troupeaux et de l’épidémiologie, mais aussi dans la foulée des projets de l’Université dans ce champ de recherche».

Survivre aux changements climatiques, jadis et maintenant

Quelques objets trouvés dans l’abri Bombrini, en Ligurie, sur la Riviera ligure, par des archéologues de l’Université de Montréal et de l’Université de Gênes.

Des fouilles archéologiques en Italie révèlent que les hommes préhistoriques ont survécu à une grande catastrophe naturelle en coopérant les uns avec les autres. Une leçon à tirer pour notre avenir.

Les liens commerciaux et sociaux ont aidé nos ancêtres Homo sapiens à survivre à une éruption volcanique qui a changé le climat il y a 40 000 ans. Cela nous donne espoir que nous pourrons surmonter le réchauffement climatique si nous restons en relation les uns avec les autres, indique une étude parue récemment dans la revue Journal of Quaternary Science.

En analysant d’anciens outils et ornements préhistoriques provenant de l’abri Bombrini, en Ligurie, sur la Riviera ligure, des archéologues de l’Université de Montréal et de l’Université de Gênes ont conclu que la clé pour demeurer en vie était la coopération.

«C’est en Ligurie que certains des premiers Homo sapiens, qui sont plus ou moins nos ancêtres directs, ont vécu en Europe, dit Julien Riel-Salvatore, professeur au Département d’anthropologie de l’UdeM, qui a corédigé l’étude avec son collègue italien Fabio Negrino. Ils descendaient des Néandertaliens, mais contrairement à eux, quand ils ont été confrontés à de brusques changements climatiques, ils ne se sont pas éteints localement et n’ont pas abandonné leur territoire. Ils se sont adaptés.»

Les Homo sapiens vivaient dans cette région depuis plus de 1000 ans quand une «superéruption» s’est produite dans les champs Phlégréens de l’Italie du Sud, à l’ouest de la ville actuelle de Naples, et a dévasté la majorité de l’Europe. «On a longtemps cru que cette catastrophe avait décimé la plupart des premiers Homo sapiens du continent. Or, nous avons pu démontrer que certains d’entre eux ont réussi à surmonter la situation et à survivre en gérant l’incertitude liée à ces changements soudains.»

Au cours de leurs travaux, les archéologues ont recueilli des fragments d’outils, comme des lamelles – de petits éclats de grosses pierres qui servaient de barbelures et de lames pour les armes de chasse –, qui prouvent l’ingéniosité de nos premiers ancêtres. Certains des silex utilisés par les Homo sapiens provenaient de sites situés à plusieurs centaines de kilomètres, ce qui prouve qu’ils disposaient d’un réseau social et commercial très étendu qui les a aidés à subsister pendant les 4000 années suivantes.

«Ils avaient tissé des relations avec des peuples qui vivaient loin d’eux de sorte que, quand les choses ont mal tourné dans leur région, ils ont pu trouver des ressources auprès des gens avec qui ils entretenaient des liens sociaux. Plus leur réseau était vaste, plus il leur était facile d’assurer leur existence», explique Julien Riel-Salvatore. Entre autres preuves de la présence des Homo sapiens sur le site, l’archéologue a aussi découvert une dent d’enfant et des ornements en coquillage et en pierre tendre.

Comme en Indonésie

Cette étude fait écho à d’autres révisions concernant les effets d’une superéruption préhistorique encore plus ancienne: celle du volcan Toba, qui a eu lieu sur l’île indonésienne de Sumatra il y a 74 000 ans. Compte tenu de récentes découvertes, la théorie selon laquelle cette éruption aurait presque décimé l’humanité entière est désormais remise en question. Dans les deux cas, l’archéologie montre que l’évolution n’est pas toujours aussi destructrice qu’on le croit.

«Il semble y avoir un schéma selon lequel les humains s’adaptent plus facilement et sont plus résilients quand ils font face à ce genre d’évènements extrêmement perturbateurs, précise Julien Riel-Salvatore. Ces évènements peuvent être très dévastateurs, mais de façon limitée, pas à l’échelle de plusieurs continents ni du monde entier.»

Le chercheur poursuit: «On extrapole un peu quand on dit que ce qui s’est passé il y a des dizaines de milliers d’années peut nous aider à prédire comment les humains géreront les changements climatiques actuels, mais le passé nous permet effectivement de comprendre comment nous gérons les changements climatiques de façon continue.»

Selon lui, «cela montre à quel point l’archéologie est utile pour nous en apprendre davantage sur les problèmes immédiats auxquels nous sommes confrontés. La coopération et la solidité des réseaux sociaux ont été essentielles pour aider les gens à surmonter les effets dévastateurs du changement climatique dans le passé. Et compte tenu de certains défis que nous devons relever aujourd’hui et de certaines positions arrêtées auxquelles nous nous heurtons, peut-être faut-il communiquer cette notion voulant que la coopération est indispensable à la survie, c’est une leçon à tirer».

Les chercheurs ont collecté la plupart des données de l’étude de 2002 à 2005 sur le site de l’abri Bombrini, qui fait partie du complexe archéologique des grottes des Balzi Rossi, datant du Paléolithique. Ces grottes ont été sondées pour la première fois en 1938 et des fouilles y ont été entreprises dès 1976. Au cours des trois prochaines années, Julien Riel-Salvatore et Fabio Negrino continueront d’effectuer des fouilles sur le site pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles les Néandertaliens ont disparu et ont été remplacés par les Homo sapiens, qui étaient mieux outillés qu’eux et dont les réseaux étaient plus étendus.

 

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La pêche industrielle élèverait l’exposition au mercure des populations de plusieurs pays

Des bâteaux de pêches au port-CRÉDIT : STUART RANKIN.

La quantité de mercure à laquelle on est exposé par la pêche industrielle n’a cessé de croître depuis les années 50, à un point tel que, aujourd’hui, plusieurs populations côtières et insulaires seraient potentiellement soumises à des concentrations qui dépassent le seuil de sécurité pour le développement du fœtus.

C’est ce que révèlent les résultats d’une étude menée par des chercheurs du Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, qui ont combiné la quantité de mercure extraite des mers et océans de 1950 à 2014 avec la consommation hebdomadaire de poissons et de produits de la mer des populations de 175 pays de 1961 à 2011.

La combinaison de ces données, issues de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a permis au stagiaire postdoctoral Raphaël Lavoie d’établir une estimation de l’exposition par habitant de ces populations au méthylmercure, la forme toxique du mercure.

Sous la direction du professeur Marc Amyot, M. Lavoie a évalué que les populations de 38 % des pays (66 sur 175) considérés dans l’étude seraient exposées à des taux de méthylmercure supérieurs au seuil sécuritaire pour le développement du fœtus. Parmi les pays les plus à risque, on trouve les Maldives, l’Islande, la Malaisie, la Lituanie, le Japon, la Barbade et la Corée du Sud.

Rappelons que, lorsqu’elles sont ingérées en trop grandes quantités par l’humain, les molécules de méthylmercure parviennent à traverser la barrière hématoencéphalique et peuvent nuire au développement du cerveau, notamment celui des enfants et des fœtus.

Le mercure, de la mer à l’assiette

Avec l’industrialisation, des quantités élevées de mercure se sont retrouvées dans l’atmosphère et ce métal s’est ensuite déposé dans les cours d’eau et les océans. Il a ensuite été absorbé par les êtres vivants marins dont plusieurs font partie de l’alimentation humaine.

De 1950 à nos jours, la demande pour les produits de la mer a explosé et la pêche industrielle s’est intensifiée avec l’essor technologique. Depuis les années 90, la surpêche ayant entraîné un déclin dramatique des stocks de poissons au large des côtes, la pêche industrielle s’est graduellement déplacée jusqu’en haute mer.

«De sorte qu’avec des prises totalisant 80 millions de tonnes de poissons annuellement, on a par le fait même extirpé de la mer des quantités de mercure de plus en plus importantes», fait remarquer Marc Amyot.

Parmi les zones de pêche industrielle recensées par la FAO, celles du nord-ouest du Pacifique fournissent actuellement le plus de poissons contaminés par le méthylmercure. Celles du centre-ouest du Pacifique occupent le deuxième rang, suivies de celles de l’est de l’océan Indien.

«Ensemble, ces trois zones de pêche sont associées à 60 % du mercure contenu dans les prises mondiales de produits de la mer en 2014», précise Raphaël Lavoie.

En parallèle, les populations de ces régions sont parmi celles qui consomment le plus de produits de la mer dans le monde. Les espèces situées en haut de la chaîne alimentaire contiennent les plus grandes concentrations de méthylmercure et, de 1950 à 2014, ces gros poissons représentaient environ 60 % de la masse des prises totales et près de 90 % du mercure libéré par l’industrie de la pêche vers les lieux de consommation.

Risque d’exposition accru

Le seuil sécuritaire de consommation de méthylmercure pour les femmes enceintes et le développement du fœtus est de 1,6 millionième de gramme par kilogramme de masse corporelle du consommateur (1,6 μg/kg) par semaine.

«En combinant les données de la FAO sur la consommation mondiale de produits de la mer, nous observons que, de 2001 à 2011, les populations de 66 pays auraient été exposées à des taux hebdomadaires de méthylmercure qui sont bien au-delà de ce seuil sécuritaire de consommation pour le développement du fœtus, notamment les populations côtières ou insulaires – et plus particulièrement celles de pays en voie de développement», indique M. Lavoie.

Ainsi, au cours de cette décennie, la population des Maldives aurait été soumise à des concentrations hebdomadaires moyennes de méthylmercure de 23 μg/kg, soit plus de 14 fois la norme sécuritaire. Viennent ensuite les populations de Kiribati (8 μg/kg), de l’Islande (7,5 μg/kg), de la Malaisie et de Samoa (6,4 μg/kg), de la Polynésie française (5 μg/kg), de la Lituanie, du Japon et de la Barbade (4,8 μg/kg), et de la Corée du Sud (4,7 μg/kg).

À noter que la moyenne mondiale de l’exposition au mercure aurait été, de 2001 à 2011, de 1,7 μg/kg par semaine. Au Canada, l'exposition hebdomadaire moyenne est de 1 μg/kg (consulter les données en .pdf).

«Nos estimations s’avèrent prudentes, si l’on considère que les prises issues de l’industrie globale de la pêche, incluant la pêche artisanale et la pêche illégale, seraient 50 % plus élevées que les données de la FAO», soutiennent MM. Lavoie et Amyot.

Réduire l’absorption de mercure

Selon eux, ces estimations pourraient permettre aux autorités de mettre des mesures en place afin de réduire le risque d’exposition au mercure, notamment auprès des groupes les plus vulnérables tels les enfants et les femmes enceintes.

Par ailleurs, il semble que certains modes de préparation et de consommation du poisson permettraient de diminuer le risque de contamination au méthylmercure, selon M. Amyot.

«L’une de nos récentes études tend à démontrer que la cuisson du poisson de même que sa consommation en combinaison avec certains polyphénols comme ceux du thé pourraient réduire la biodisponibilité du méthylmercure dans le corps humain, conclut-il avec optimisme. Ainsi, le méthylmercure que l’on consomme ne serait pas absorbé à 100 % par notre organisme, contrairement à ce qu’on croyait.»

 

Quatre saisons dans un jardin de dépollution

De gauche à droite: Michel Labrecque, botaniste chercheur; Cédric Frenette Dussault, chercheur postdoctoral; Patrick Benoist, gestionnaire de projet; Frédéric Pitre, botaniste chercheur; et Esther Lapierre-Archambault, étudiante-chercheuse à la maî

Une équipe de chercheurs en biologie végétale travaille à la mise au point d’un procédé naturel de décontamination des sols faisant appel aux meilleurs bioréacteurs qui soient: les plantes. Notre équipe l’a suivie pendant quatre saisons, à partir de la plantation printanière jusqu’à l’analyse en laboratoire des matières végétales, l’hiver suivant.

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Bornes pour voitures électriques: des étudiants de l’UdeM s’en chargent!

Etudiant à l'étude.

Bientôt les automobilistes pourront recharger les batteries de leur véhicule électrique directement dans une prise de courant de leur résidence grâce au concept d’une étudiante en design industriel de l’Université de Montréal. Transportables, les batteries ne nécessitent qu’une prise de 110 volts. Plus besoin de tourner en rond à la recherche d’une borne installée en bordure de rue près de son domicile!

C’est du moins ce que propose Ivona Sosic, qui a imaginé ce concept afin de démocratiser la voiture électrique pour ceux qui habitent en ville dans des immeubles à logements. «Je voulais redonner un peu de pouvoir à l’usager de sorte qu’il ne soit pas dépendant d’un service, dit-elle. Il est possible d’avoir un plein contrôle de nos batteries de voiture tout comme avec nos appareils électroniques, qu’on recharge directement chez soi.»

Selon CAA-Québec, plus de 24 000 voitures alimentées à l’électricité circulent actuellement sur les routes du Québec, soit 10 000 de plus qu’il y a un an. Il devrait y en avoir 100 000 d’ici 2020, d’après le plan d’action en électrification des transports du premier ministre Philippe Couillard.

L’idée d’Ivona Sosic, qui utilise une technologie déjà accessible sur le marché, prévoit le recours à trois batteries de 14 kg facilement transportables à l’aide d’un chariot et assurant à la voiture une autonomie de 60 km, soit le double des besoins quotidiens moyens des propriétaires de voitures électriques. Élaboré dans le cadre du projet Solutions de stations de charge pour des véhicules électriques en ville, mis sur pied par l’atelier de codesign augmenté et le laboratoire de recherche en design Hybridlab, ce concept de batteries transportables faisait l’objet d’une présentation le 16 avril au laboratoire de recherche de Tomás Dorta, professeur à l’École de design de la Faculté de l’aménagement de l’UdeM. «Il s’agit d’une idée intéressante avec un tout autre paradigme que celui proposé par l’industrie, qui préconise d’abord la performance. J’aime le fait d’explorer d’autres possibilités», a mentionné le professeur, qui a félicité l’étudiante pour la qualité de son travail.

La recharge de sa voiture électrique est un élément important pour les propriétaires ou futurs acquéreurs de ce type de véhicule. Avec la popularité grandissante des véhicules électriques, de nombreuses questions relatives à l’intégration des bornes dans le paysage urbain et à l'offre de solutions de recharge se posent, estime M. Dorta. «Si la borne est assez simple à mettre en place dans une résidence, cela peut devenir plus complexe pour ceux qui vivent en appartement», signale-t-il. En ce qui concerne les bornes publiques, l’une des problématiques est la pollution visuelle dans le paysage des villes. De plus, les conducteurs de voitures à essence se stationnent souvent dans les emplacements réservés aux véhicules électriques, ce qui empêche les automobilistes de recharger leur voiture.

Une technologie électrisante!

Au total, 13 solutions innovantes ont été conçues par les étudiants de troisième année en design industriel de l'Université de Montréal. À l’aide de la réalité virtuelle sociale, les apprentis designers ont proposé une diversité de possibilités allant de dispositifs portables pour les résidants d’immeubles à logements à la charge durant la conduite et la charge d’appoint. «Ce projet vise à repenser la charge des véhicules électriques en ville du point de vue du constructeur automobile, en passant par le design d’interaction et de service jusqu’à la conception de l’infrastructure urbaine. L’objectif est de mieux intégrer différentes solutions de recharge avec de nouveaux services et de nouvelles interactions, le tout dans un paysage urbain repensé», explique Tomás Dorta.

Depuis ses études doctorales en 1993 à l’UdeM, Tomás Dorta s’intéresse à l’influence de la réalité virtuelle comme outil de visualisation sur le processus de design. Cet architecte et designer de formation étudie plus particulièrement les notions de design collaboratif, d’interaction et d’expérience ainsi que l’approche bionique appliquée en design.

C’est à l’aide du système de réalité virtuelle sociale interconnecté Hyve-3D, mis au point par le professeur Dorta, que les étudiants ont créé les objets et les environnements de leurs projets. À travers un écran et une projection, les participants sont immergés dans l’image sans la nécessité de porter des lunettes 3D.

Des projets novateurs

Des 13 travaux présentés par les jeunes designers, plusieurs étaient axés sur le partage des installations de recharge et leur mise en valeur. Comme celui de François Létourneau, qui a pour objectif d’optimiser les équipements de recharge destinés au transport en commun. «L’idée est de permettre aux usagers de recharger leurs véhicules électriques lorsque les autobus sont en circulation. On profite ainsi du matériel accessible pour faire de courtes recharges de 5 à 10 minutes», a fait valoir l’étudiant, dont le projet repose sur deux éléments essentiels: une plaque à induction placée sous la voiture qui assure la recharge ainsi qu’un système de communication renseignant l’usager sur les étapes de recharge, la facturation, etc.

Julien Jardin a, quant à lui, élaboré un concept original qui vise la commodité de la recharge et la réduction de la pollution visuelle. Son dispositif, qui intègre les lampadaires de la ville, prend en compte les besoins des usagers qui habitent dans des appartements et s’adapte à l’environnement urbain avec des câbles modulables qui risquent moins d’être endommagés par le passage des déneigeuses l’hiver ou de nuire aux déplacements. Autre avantage: la facturation est directement liée au compte d’Hydro-Québec de l’usager, ce qui lui permet de bénéficier des coûts résidentiels, soit une réduction de 50 % du tarif comparativement à une borne publique.

Tous les travaux des étudiants ont été réalisés en collaboration avec l’Université de Lorraine (France), l’Université Victoria de Wellington (Nouvelle-Zélande) et l’Université d’Australie-Méridionale à Adélaïde au moyen du système Hyve-3D.

Solutions de recharge pour véhicules électriques

Tomás Dorta, directeur du Laboratoire de recherche en design Hybridlab, utilisant le système de réalité virtuelle sociale Hyve-3D.

Avec la multiplication des véhicules électriques, les bornes de recharge se sont installées dans la province et soulèvent des questions relativement à leur intégration en ville et aux solutions de charge qu’elles proposent. Des étudiants en design industriel de l’Université de Montréal se sont penchés sur des solutions innovantes.

Ces solutions, issues de l’atelier de codesign augmenté, seront présentées :

  • Le 16 avril, entre 9h et 12h (présentation en français, en interconnexion avec l’Université de Lorraine-Metz);
  • Le 18 avril, entre 18h et 21h (en anglais, en interconnexion avec Wellington-NZ, Adelaïde et Sydney-AU);
  • Au local 5119 du pavillon JA-Bombardier de l’Université de Montréal, 5155, chemin de la rampe.

Au total, 13 projets seront présentés allant de solutions portables pour résidants d’immeubles à logements en passant par la charge durant la conduite et la charge d’appoint.

C’est en collaboration avec l’Université Lorraine-Metz (France), la Victoria University of Wellington (Nouvelle Zélande) et la University of South Australia à Adelaide, que les étudiants ont développé ces concepts en s’appuyant sur le système de réalité virtuelle sociale Hyve-3D interconnecté.

Alors que le milieu du design dénonce l’absence de créativité dans la conception des solutions de stations de charge actuelles et leur pollution visuelle dans le paysage urbain, les concepteurs des bornes installées au Québec répondent d’abord aux impératifs d’efficacité, de robustesse et de sécurité. Le dilemme entre les considérations fonctionnelles et utilitaires et les considérations innovantes s’est installé.

Le débat suscite la volonté de démocratiser les solutions de charge afin d’encourager l’électrification des transports, particulièrement en milieu urbain, tant au centre-ville que dans les quartiers résidentiels.

L’atelier de design augmenté et le Laboratoire de recherche en design, Hybridlab ont lancé un projet visant à repenser la charge des véhicules électriques en ville, du point de vue du constructeur automobile, en passant par le design d’interaction et de service, jusqu’à la conception de l’infrastructure urbaine. Selon Tomás Dorta, directeur du Laboratoire de recherche en design Hybridlab et professeur dans le cadre de l’atelier de design, « l’objectif du cours est de mieux intégrer différentes solutions de charge avec de nouveaux services et de nouvelles interactions, le tout dans un paysage urbain repensé. »

Quand les plantes, les champignons et les bactéries s’unissent pour décontaminer les sols

Arbre avec racine hors terre.

La capacité de certaines espèces d’arbres à réhabiliter des sites contaminés repose sur des interactions complexes entre leurs racines, les champignons et les bactéries du sol. Voilà ce qu’une étude menée par des experts en bio-informatique et en biologie végétale de l’Université McGill et de l’Université de Montréal vient de mettre en évidence.

Certains arbres à croissance rapide, tels les saules, sont connus pour tolérer et même décontaminer des sols pollués par des résidus pétroliers ou des métaux lourds. Ce processus de réhabilitation des sols, la phytoremédiation, est souvent associé au métabolisme secondaire, c’est-à-dire la production de molécules spécialisées qui aident les plantes à tolérer des stress environnementaux.

Les récents résultats obtenus par ces scientifiques montréalais et publiés dans la revue Microbiome laissent supposer que des relations symbiotiques avec les microbes du sol sous-tendent la capacité des saules à croître dans cet environnement stressant. En utilisant des technologies de pointe permettant l’analyse de l’expression des gènes de plusieurs organismes simultanément, les chercheurs ont étudié les racines de saules à croissance rapide poussant sur un site contaminé dans la région montréalaise. Ils ont découvert que la dégradation des hydrocarbures dans le sol serait le résultat d’interactions complexes entre différentes espèces de champignons mycorhiziens (qui forment un réseau symbiotique avec les racines végétales) et certaines bactéries.

«Nous abordons habituellement les travaux en génétique en limitant la recherche à un seul organisme ou à un règne à la fois, précise Emmanuel Gonzalez, auteur principal de l’étude et spécialiste en bio-informatique au Centre canadien de génomique computationnelle de l’Université McGill. Le plus étonnant dans cette recherche a été de constater que l’étude de la génétique des organismes vivants dans le sol a permis de brosser un tableau biologique plus précis. Ces résultats portent à croire que de telles interactions mutualistes complexes seraient la norme à l’extérieur des laboratoires.»

Nicholas Brereton, attaché de recherche à l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal et auteur en chef de l’étude, ajoute: «Nous avons abordé l’étude en présumant qu’il était possible de mieux intégrer la bio-informatique et la biologie afin de mettre en évidence la diversité des fonctions activées dans un système racinaire stressé. Cette démarche nous a rapidement permis d’apporter des améliorations techniques grâce auxquelles nous avons pu observer l’expression génique dans plusieurs types d’organismes, ce qui nous a permis de faire des avancées importantes dans ce domaine de la biologie environnementale. Nous espérons que ces résultats pourront montrer la puissance d’une collaboration interdisciplinaire afin de mieux comprendre la complexité des interrelations du monde vivant.»

Du plomb dans le sirop d’érable: la norme californienne est «une bonne chose», selon Sébastien Sauvé

Enfant mangeant de la tire d'érable.

Une norme californienne visant à réduire la présence du plomb dans le sirop d’érable entrera en vigueur en 2020 et oblige les acériculteurs québécois à revoir leurs façons de faire. Ce qui est une bonne nouvelle, selon le professeur Sébastien Sauvé, du Département de chimie de l’Université de Montréal.

On sait depuis bon nombre d’années que le sirop d’érable renferme des traces de plomb, lesquelles ne représentent toutefois pas un risque pour la santé.

En fait, la sève de l’érable contient naturellement de très petites quantités de plomb, mais la concentration de ce métal est accentuée par les installations de récupération et de transformation de l’eau en sirop.

«Il est normal que le sirop contienne plus de plomb que la sève, car on réduit celle-ci 35 fois pour obtenir le sirop, indique M. Sauvé. Les traces de plomb dans le sirop sont donc potentiellement 35 fois plus élevées que dans l’eau d’érable.»

La norme californienne

En 2014, un organisme de la Californie statuait que le sirop d’érable québécois contenait des traces de plomb qui dépassaient les normes établies par l’État américain. Il a fait adopter une entente fixant à 11 parties par milliard (ppb) la quantité de plomb acceptable dans le sirop pour que celui-ci soit vendu aux États-Unis, et ce, pour les producteurs ayant plus de 20 000 érables entaillés.

Ce seuil, auquel les acériculteurs doivent se conformer d’ici 2020, est la norme de concentration qui s'applique généralement à l'eau potable. Au-delà des 11 ppb, l’inscription «Peut contenir des traces de plomb» devra figurer sur les emballages de sirop d’érable québécois destinés à la vente au sud de la frontière.

Pas de risque pour la santé

Santé Canada a établi à 500 ppb la concentration maximale de plomb qu’il peut y avoir dans le sirop d’érable, mais les producteurs de sirop québécois se sont eux-mêmes imposé une limite de 250 ppb. Avec l’adoption de la norme californienne, nombreux sont les acériculteurs d’ici qui ont entrepris de moderniser leurs équipements.

D’après Sébastien Sauvé, les traces de plomb qu'on trouve dans le sirop ne posent pas de risque pour la santé humaine, d’autant plus que sa consommation est occasionnelle et faible en quantité. C’est toutefois l’accumulation du plomb dans le corps qui peut constituer un danger.

«Le plomb est davantage présent dans l’eau potable que nous buvons, ainsi que dans bon nombre d’aliments que nous mangeons, conclut le professeur de chimie. En fait, il y a encore beaucoup plus de plomb qu’on le pense dans l’environnement.»

Selon Santé Canada, nous sommes tous exposés à des concentrations négligeables de plomb contenues dans l'air, le sol, la poussière domestique, les aliments, l'eau potable et divers produits de consommation. Depuis le début des années 70, l'exposition au plomb a grandement diminué au Canada, surtout en raison de la disparition progressive de l'essence au plomb et des peintures au plomb et de l'élimination presque complète des soudures au plomb dans les conserves d'aliments.

Si les cas d'intoxication grave au plomb sont rares au pays, une exposition continue même à de très petites quantités de plomb peut s’avérer dangereuse, en particulier pour les nourrissons et les jeunes enfants, notamment en ce qui a trait à leur développement neurocognitif et neuromoteur.

Montréal célèbre près d’un siècle de recherche en botanique

Cette murale où l'on peut voir la silhouette du bâtiment qui abrite l'IRBV et celle du pavillon emblématique de l'UdeM ainsi que la citation du frère Marie-Victorin est signée Jean-Nicolas Pitre.

«À mes collaborateurs de l’Institut botanique de l’Université de Montréal et du Jardin botanique de Montréal, je rends le témoignage qu’ils m’ont toujours servi avec dévouement et désintéressement, écrit le frère Marie-Victorin dans son testament daté du 17 février 1944. Ils ont été ma famille et ont remplacé celle dont j’avais fait le sacrifice. Je les en remercie une dernière fois du fond du cœur! Et je leur demande aussi, maintenant que je ne suis plus là, d’unir leurs forces, fraternellement, pour faire des deux institutions de grandes et durables œuvres pour le service du vrai et du bien.»

Un extrait de ce texte posthume figure désormais sur une murale à l’entrée de la salle E-328, récemment rénovée, du pavillon où loge l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) au Jardin botanique de Montréal. «Nous cherchions un message qu’aurait pu nous transmettre le fondateur de l’Institut botanique et, miracle, nous l’avons trouvé», s’est exclamé Jacques Brisson à l’inauguration de la nouvelle salle multifonctionnelle. Reprenant le style Art déco qui caractérise l’ensemble du bâtiment, elle servira prioritairement au personnel et aux étudiants de l’IRBV et aux Amis du Jardin botanique de Montréal, qui ont participé au financement de son réaménagement.

Ils étaient venus en grand nombre à la cérémonie du 23 février, répondant à l’invitation de la directrice de l’Institut de recherche, Anne Bruneau. La vice-rectrice à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’Université de Montréal, Marie-Josée Hébert, le doyen de la Faculté des arts et des sciences, Frédéric Bouchard, le directeur général d’Espace pour la vie, Charles-Mathieu Brunelle, le directeur du Jardin botanique, René Pronovost, et la présidente du conseil d'administration des Amis du Jardin botanique de Montréal, Paule Lamontagne, ainsi que la directrice du regroupement, Maud Fillion, ont chaleureusement applaudi les organisateurs au moment du dévoilement de la murale signée Jean-Nicolas Pitre. Outre la citation, l’œuvre comprend sur une ligne les silhouettes de l’Institut botanique et du pavillon Roger-Gaudry.

Une histoire de la recherche

C’est en 1920 que Conrad Kirouac, alias le frère Marie-Victorin (1885-1944), crée l’Institut botanique de l’Université de Montréal. Unité départementale de la toute nouvelle faculté des sciences, il ne compte alors qu’une poignée d’individus sous la direction de cet autodidacte (il obtiendra son premier diplôme universitaire en 1922) qui influencera profondément l’histoire des sciences au Canada français. Le professeur Luc Brouillet a présenté l’histoire de cette unité universitaire qui a grandi sur les terrains d’une administration municipale.

C’est par la botanique que la recherche en sciences naturelles a fait ses premiers pas à l’Université de Montréal, a-t-il rappelé. Le frère Marie-Victorin, qui avait publié une trentaine de textes scientifiques entre 1908 et 1920, principalement dans Le naturaliste canadien, sera le premier titulaire de la Chaire de botanique. Il crée aussitôt l’Institut botanique, qui s’imposera peu à peu dans son champ disciplinaire. En 1922 paraît le premier numéro des Contributions de l’Institut botanique, une revue révisée par les pairs avant la lettre qui survivra au frère plusieurs années.

L’Institut botanique, qui logera longtemps dans des locaux exigus et insalubres du pavillon de l’Université rue Saint-Denis, déménage en 1939 au Jardin botanique de Montréal, où se trouve aujourd’hui l’IRBV. On y installe aussi l’herbier constitué par l’auteur de la Flore laurentienne, conservé au Centre sur la biodiversité depuis son ouverture, en 2011.

Une histoire commune

Il n’est pas exagéré de dire que l’histoire de l’UdeM et celle du Jardin botanique de Montréal sont liées. C’est grâce à l’influence exercée par Marie-Victorin sur le maire de Montréal Camillien Houde (son ancien élève) que le Jardin botanique voit le jour en pleine crise économique. La recherche et l’enseignement en biologie végétale s’y développent. On y verra de grands noms de la science y planter leurs racines: Jacques Rousseau, Jules Brunel, Pierre Dansereau, Marcelle Gauvreau, Cécile Lanouette, James Kucyniak, Ernest Rouleau…

Après un relâchement dans les années 60 et 70, l’Université de Montréal relance la collaboration entre la Ville et l’Université à l’initiative du botaniste André Bouchard (1946-2011). L’IRBV voit le jour en 1990 avec le soutien du doyen Robert Lacroix et du directeur du Jardin botanique Pierre Bourque, et l’appui des élus municipaux.

Luc Brouillet a conclu sa présentation en montrant un graphique de la progression régulière du nombre de chercheurs et d’étudiants diplômés dans la discipline depuis 1982, et surtout du nombre d’articles scientifiques, de monographies et de rapports produits au cours des 30 dernières années par l’Institut de recherche.

Une nouvelle génération de chercheurs (Étienne Laliberté, Pierre-Luc Chagnon, Daniel Kierzkowski, Anne-Lise Routier) sont venus depuis 2014 donner un air de jeunesse au centre de recherche dont on célébrera en 2020 le 100e anniversaire.

En restant propres, les poissons de mer conservent leur intelligence

Un chromis épineux attend patiemment pendant qu'un labre nettoyeur inspecte ses nageoires et son corps pour les débarrasser d'éventuels parasites.

Une équipe internationale de chercheurs dirigée par une biologiste de l’Université de Montréal a découvert que l’infection par des parasites affecte les capacités de raisonnement des poissons coralliens.

L’étude réalisée à la Lizard Island Research Station, en Australie, et conduite par Sandra Binning, professeure adjointe au Département de sciences biologiques de l’UdeM, est parue cette semaine dans la revue Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences.

Ces travaux soulignent l’influence déterminante à la fois des parasites et des organismes nettoyeurs sur les capacités de prise de décision des poissons coralliens.

Sandra Binning et son équipe ont constaté que les poissons de mer malades peuvent guérir grâce à d’autres animaux comme le labre nettoyeur à rayures bleues, un poisson d’aquarium commun qui mange les parasites nuisibles sur ses «patients» et les aide ainsi à rester en santé.

«Nous avons prélevé des poissons-demoiselles sauvages qui interagissaient ou non avec des labres nettoyeurs et avons testé leurs capacités à résoudre un test d’alimentation en laboratoire, rapporte la professeure. Ensuite, nous avons comparé leurs résultats avec ceux de poissons que nous avions infectés par des parasites dans le cadre de cette expérience. Nous avons noté que l’infection par des parasites, surtout s’ils sont nombreux, affaiblit réellement les capacités d’apprentissage des poissons.»

Ces résultats ne surprendront certainement pas les gens qui, alors qu’ils étaient malades, ont essayé de faire des activités qui nécessitaient de la réflexion et de la concentration. «Quand on est malade, le corps détourne des ressources du cerveau pour combattre l’infection», explique Mme Binning. Cela nous empêche de penser et de réfléchir correctement.»

Les êtres humains peuvent aussi avoir intérêt à se tenir éloignés des parasites. «Des études montrent que les enfants qui ont des parasites intestinaux réussissent moins bien les tests scolaires normalisés que ceux qui n’en ont pas, mentionne la biologiste. Lorsqu’on soigne ces enfants avec des médicaments antiparasitaires, leurs résultats scolaires s’améliorent.»

Vétérinaires des mers

Bien que les poissons ne puissent pas prendre de médicaments quand ils se sentent patraques, ils peuvent requérir l’aide de labres nettoyeurs pour les aider à se débarrasser de leurs parasites. L’accès à ces services de nettoyage peut grandement favoriser le poisson à un test d’apprentissage.

D’après Sarah Binning, «les labres nettoyeurs jouent le rôle de vétérinaires des mers. Leurs patients leur rendent visitent pour se défaire de leurs parasites et cela renforce leurs capacités à réfléchir et à résoudre le test».

On sait aussi que les interactions avec les labres nettoyeurs réduisent le stress de ces patients et augmentent le recrutement local de poissons coralliens.

Toutefois, cette fonction essentielle au maintien de la santé des communautés coralliennes pourrait être menacée: les labres nettoyeurs font partie des espèces marines les plus capturées pour les aquariums, en raison de leurs motifs colorés et de leur comportement altruiste.

«Il est important de comprendre les conséquences d’un accès limité aux labres nettoyeurs pour les autres poissons, fait remarquer Sarah Binning. Ils ne sont peut-être pas les plus gros ni les plus abondants de la barrière de corail, mais ils influent sur le bien-être de milliers d’autres poissons. Il faut en tenir compte quand on détermine les quotas de capture et qu’on organise la gestion des parcs marins.»  

L’étude a été réalisée en collaboration avec plusieurs groupes de chercheurs: Derek Sun et Alexandra Grutter, de l’Université du Queensland en Australie; Dominique Roche, Simona Colosio et Redouan Bshary, de l’Université de Neuchâtel en Suisse; et Joanna Miest, de l’Université de Greenwich au Royaume-Uni.

À propos de cette étude

L'étude intitulée "Cleaner wrasse indirectly affect the cognitive performance of a damselfish through ectoparasite removal" a été écrite par Sandra Binning et ses collègues de l'Université de Montréal, l'Université de Neuchâtel (Suisse), l'Université de Queensland (Australie) et l'Université de Greenwich (Royaume-Uni). L'étude a été publiée le 7 mars 2018 dans le journal Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences.

Qu’est-ce qui pollue l’air? Les produits utilisés dans nos maisons, entreprises et usines.

Aile d'avion et vue sur les montagnes.

Les produits chimiques qui contiennent des composés pétroliers raffinés, comme les produits ménagers, les pesticides, les peintures et les parfums, rivalisent maintenant avec les véhicules motorisés pour ce qui est des émissions polluantes et sont la principale source de pollution atmosphérique urbaine, selon des chercheurs des États-Unis et de l’Université de Montréal.

Le carburant est beaucoup plus utilisé que les composés pétroliers contenus dans les produits chimiques: environ 15 fois plus en termes de poids, selon une étude publiée aujourd’hui dans la revue Science par des chercheurs américains et Patrick Hayes, professeur de chimie à l’UdeM. Malgré cela, les lotions, les peintures et les autres produits chimiques contribuent environ autant à la pollution atmosphérique que le secteur des transports, explique l’auteur principal de l’étude, Brian McDonald, chercheur à l’Université du Colorado, qui travaille avec l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

Pour un type de pollution en particulier – les fines particules qui sont nocives pour les poumons –, les émissions provenant des produits chimiques sont deux fois plus élevées que celles du secteur des transports, rapporte l’équipe de Brian McDonald.

«Alors que le secteur des transports devient plus propre, ces autres sources de pollution ne cessent de s’accroître, dit Brian McDonald, également ingénieur en environnement à l’Institut coopératif de recherche en sciences environnementales (CIRES) à Boulder. Les produits que nous employons au quotidien peuvent avoir des conséquences sur la pollution de l’air.»

Il en va de même au Canada, ajoute Patrick Hayes, qui a fourni des mesures sur le terrain utilisées dans l’étude.

«Nous nous servons des mêmes produits chimiques qu’aux États-Unis et nos véhicules motorisés et nos carburants sont très semblables à ceux de nos voisins américains. Les résultats de l’étude s’appliquent donc aussi ici, conclut-il. Quand nous peignons nos maisons ou que nous mettons du parfum, certains de ces produits s’évaporent et créent de la pollution particulaire dans l’atmosphère. Chaque année à Montréal, on enregistre des douzaines de jours pendant lesquels la concentration de particules atmosphériques atteint des niveaux dangereux, surtout pour la santé des personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées ou celles qui souffrent déjà de troubles respiratoires.»

Un intérêt particulier pour les composés organiques volatils

Dans cette étude, les scientifiques se sont intéressés aux composés organiques volatils (COV). Les COV peuvent se répandre dans l’atmosphère, entrer en réaction et produire de l’ozone ou de la matière particulaire, deux substances dont les émissions sont règlementées aux États-Unis, au Canada et dans beaucoup d’autres pays en raison de leurs conséquences sur la santé, telles les lésions pulmonaires.

Les gens qui vivent en ville et en banlieue croient souvent qu’une grande partie de la pollution à laquelle ils sont exposés vient des émissions produites par les voitures et les camions ou encore des fuites de pompes à essence. Même si ce fut effectivement le cas au cours des dernières décennies, les organismes de règlementation et les fabricants automobiles ont pris des mesures, depuis, pour réduire la pollution causée par les moteurs et les carburants, et ils ont mis en place des systèmes antipollution.

L’équipe de Brian McDonald a réévalué les sources de pollution atmosphérique en triant des statistiques récentes sur la fabrication de produits chimiques, recueillies par les industries américaines et les organismes de règlementation. Elle a aussi effectué des analyses chimiques poussées de l’atmosphère à Los Angeles et évalué les données sur la qualité de l’air intérieur collectées par d’autres organismes.

Les chercheurs ont conclu que la quantité de COV émise par les produits de consommation et les produits industriels aux États-Unis est en fait de deux à trois fois supérieure à celle estimée dans les inventaires des émissions de polluants atmosphériques actuels, qui surévaluent aussi la pollution provoquée par les véhicules. Par exemple, l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis juge que les émissions de COV (mesurées au poids) proviennent environ à 75 % des véhicules et à 25 % des produits chimiques. Dans l’étude de Brian McDonald et ses collègues, qui repose sur une analyse approfondie de statistiques à jour sur l’utilisation des produits chimiques et sur des données atmosphériques qui n’étaient pas disponibles auparavant, le ratio serait plutôt de 50-50.

L’incidence disproportionnée des produits chimiques sur la qualité de l’air est en partie due à une différence fondamentale qui existe entre ces produits et les carburants, indique Jessica Gilman, scientifique spécialisée dans les questions relatives à l’atmosphère à la NOAA et corédactrice de l’étude. «L’essence est stockée dans des contenants fermés qui, espérons-le, sont hermétiques, et les COV qu’elle contient sont brûlés pour produire de l’énergie, dit-elle. Or, les produits chimiques volatils contenus dans les solvants et les produits d’hygiène personnelle couramment employés sont littéralement conçus pour s’évaporer. Quand on porte du parfum ou qu’on utilise des produits parfumés, c’est pour les sentir ou pour que les autres autour de nous les sentent. Ce n’est pas le cas avec l’essence.»

La pollution atmosphérique: une des plus grandes menaces de mortalité

Les scientifiques ont particulièrement cherché à savoir comment ces COV finissaient par contribuer à la pollution atmosphérique. Une analyse complète parue dans la revue médicale britannique The Lancet l’an dernier plaçait la pollution atmosphérique parmi les cinq plus grandes menaces de mortalité à l’échelle mondiale et considérait «la pollution particulaire dans l’air ambiant» comme le plus grand risque de pollution atmosphérique.

La nouvelle étude révèle que, si les voitures sont devenues plus propres, les COV à l’origine de ces particules polluantes proviennent de plus en plus des produits de consommation.

«À Los Angeles, la proportion est déjà inversée», déclare Brian McDonald.

Les chercheurs ont découvert qu’ils ne pouvaient tout simplement pas reproduire les niveaux de particules ou d’ozone mesurés dans l’atmosphère sans inclure d’émissions provenant de produits chimiques volatils. Au cours de leurs recherches, ils ont aussi constaté que les gens sont exposés à des taux de composés volatils très élevés à l’intérieur, qui sont plus concentrés qu’à l’extérieur. «À l’intérieur, les concentrations sont parfois 10 fois plus élevées qu’à l’extérieur. Cela concorde avec le scénario selon lequel les produits dérivés du pétrole qu’on utilise à l’intérieur alimentent la pollution de l’air extérieur dans les milieux urbains», mentionne Allen Goldstein, coauteur de l’étude et professeur à l’Université de Californie à Berkeley.  

L’équipe reconnaît que les organismes de règlementation américains ont été très efficaces pour lutter contre les émissions des voitures. «Cela a tellement bien fonctionné que, pour améliorer encore la qualité de l’air, il faudrait diversifier les efforts de règlementation. Il ne s’agit plus de cibler que les véhicules», affirme le coauteur de l’étude Joost de Gouw, chimiste au CIRES.

À propos de cette étude

L’article «Volatile chemical products emerging as largest petrochemical source of urban organic emissions» est paru le 15 février 2018 dans la revue Science. Ses auteurs sont Brian C. McDonald, Joost A. de Gouw, Stuart A. McKeen, Yu Yan Cui, Si-Wan Kim (Université du Colorado à Boulder, Institut coopératif de recherche en sciences environnementales [CIRES] et Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique [NOAA]), Jessica B. Gilman (NOAA), Shantanu H. Jathar (Université d’État du Colorado et Université de Californie à Davis), Ali Akherati (Université d’État du Colorado), Christopher D. Cappa (Université de Californie à Davis), Jose L. Jimenez (CIRES et Université du Colorado à Boulder), Julia Lee-Taylor (CIRES et Centre national pour la recherche atmosphérique [NCAR]), Patrick L. Hayes (Université de Montréal), Drew R. Gentner (Université Yale), Gabriel Isaacman-VanWertz (NCAR et Université Virginia Tech), Allen H. Goldstein, Robert A. Harley (Université de Californie à Berkeley), Gregory J. Frost, James M. Roberts, Thomas B. Ryerson et Michael Trainer (NOAA). L’étude est appuyée par la NOAA, le programme des bourses de recherche scientifique du CIRES, Aerodyne Research, la National Science Foundation et la Sloan Foundation. Le CIRES est un organisme de recherche cofinancé par la NOAA et l’Université du Colorado à Boulder.

Les saules antipollution livrent leurs secrets

Main tenant une fiole.

«Notre plus grande surprise, c’est que nos arbres ont poussé dans un sol pauvre jusqu’à une hauteur d’un mètre environ dès la première année; nous avons bon espoir d’obtenir des résultats intéressants en matière de décontamination», confie le postdoctorant Cédric Frenette Dussault, qui mène ses travaux au laboratoire de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal.

Il retire d’un support une éprouvette remplie au quart d’un liquide jaunâtre qui laisse voir, après séchage, broyage et trempage dans un bain d’acide, le substrat provenant de divers cultivars de saules et de peupliers recueillis sur un terrain contaminé de l’est de Montréal. Après son analyse par spectrométrie de masse, il révélera les qualités antipollution de ces biofiltreurs naturels que sont… les végétaux.

Sous la direction de Michel Labrecque, professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM et conservateur du Jardin botanique de Montréal, l’équipe universitaire est engagée depuis deux ans dans un projet de phytoremédiation unique au monde. Son but: sélectionner les plantes les plus efficaces pour puiser dans le sol des contaminants accumulés durant des décennies d’activité industrielle. À l’aide de leurs racines, qui agissent comme des pailles dans cette mixture de contaminants, les variétés de saules et peupliers ainsi que les autres espèces végétales utilisées sauront aspirer les polluants et épurer les sols.

L’équipe a travaillé sur un premier hectare de terrain dès 2016. Et chaque année elle s’approprie un nouvel hectare. À terme, le projet permettra l’enracinement de végétaux sur quatre hectares contaminés. «Nous bâtissons sur les succès d’une année pour mieux désigner l’approche de l’année suivante», indique Michel Labrecque, qui effectue actuellement une mission en Chine.

Partenariat universitaire

C’est grâce à une subvention de 780 000 $ pour quatre ans accordée en 2015 par la Ville de Montréal que les chercheurs ont pu lancer ce projet, qui comporte une importante composante interdisciplinaire. Géographie, microbiologie, mycologie et botanique sont mises à contribution dans le volet scientifique. Mais on a aussi fait appel à une architecte de paysage, Myriam Lapierre, qui a orchestré l’agencement des divers végétaux employés. «Plutôt que de planter les arbres en rangs linéaires, elle a conçu un design complexe qui a transformé le lieu en un véritable jardin tout en respectant les exigences d’un bon design expérimental. Ça a beaucoup contribué à l’acceptabilité sociale du projet.»

Pendant tout l’été 2017, Cédric Frenette Dussault a coordonné l’équipe comptant jusqu’à sept personnes à temps plein. Il a fallu entretenir le terrain pour éviter, notamment, que le roseau commun (phragmite) l’envahisse. Ce n’est qu’au terme de la période végétative que les chercheurs ont récolté les précieuses tiges et leurs feuilles.

À la suite de l’analyse, ils pourront déterminer lesquelles des plantes ou des combinaisons de plantes s’avèrent les plus efficaces pour décontaminer les sols. «On s’attend à voir apparaître des spécialistes, soit des génotypes plus doués pour tel ou tel métal lourd – plomb, cuivre, zinc –, alors que d’autres montreront leurs forces dans la dépollution organique, soit l’élimination de dérivés de produits pétroliers.»

La phytoremédiation ou dépollution par les plantes demeurera une solution de décontamination à long terme (les végétaux sont à l’œuvre de 5 à 10 ans au moins), mais pourrait être la voie de l’avenir et à faible coût pour traiter les milliers de terrains contaminés du pays.

Personnes âgées: pour un aménagement des villes plus adéquat

Personne âgée marchant, vu de dos.

A-t-on idée à quel point l’aménagement urbain peut s’avérer inadapté aux modes de vie des personnes vieillissantes et âgées? Trottoirs mal déneigés, réseaux de transport en commun inadéquats, accès difficile aux services ou commerces, dévitalisation de leur quartier…

Animés par le désir de contribuer au bien-être de ceux qui ont atteint l’âge que l’on dit d’or, 33 professeurs et chercheurs issus de différentes universités canadiennes et françaises publient un ouvrage collectif qui constitue une réflexion sans complaisance sur le vieillissement tout en proposant des idées innovantes pouvant profiter tant aux aînés qu’à l’ensemble de la population.

Intitulé Vieillissement et aménagement: perspectives plurielles, le livre fait état des résultats de recherches et d’observations présentés à un colloque sur l’aménagement et le vieillissement tenu à l’occasion du congrès de 2014 de l’Association francophone pour le savoir – Acfas.

«Nous avions alors constaté qu’il n’y a pas encore aujourd’hui de plans d’urbanisme qui innovent dans la prise en compte des conséquences du vieillissement pour l’aménagement des villes», relate le professeur Sébastien Lord, de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal et codirecteur de l’ouvrage.

Et celui-ci arrive à propos: le gouvernement du Québec devra évaluer la politique sur le vieillissement, qu’il a adoptée en 2012, et le collectif souhaite que le fruit de ses recherches fasse partie d’une telle révision.

«Si elle a réussi à stimuler l’investissement communautaire, la politique n’a pas suffisamment contribué à enrichir la connaissance des effets du vieillissement sur la dynamique et l’aménagement d’une variété de milieux de vie ni suffisamment tenu compte de la grande diversité des habitats dans lesquels est vécue la vieillesse», indique M. Lord.

Questions et défis trop peu abordés

Selon les auteurs, le vieillissement semble avoir été surtout abordé comme une «simple question de clientèle» par les instances municipales et les grandes organisations, plutôt que comme un enjeu structurant pour l’aménagement du territoire.

À part l’inquiétude qu’il suscite quant à la dépopulation des petites communautés régionales, le vieillissement ne semble pas recevoir le traitement qu’on accorde à des transformations structurelles.

Ainsi, bon nombre de banlieues, à l’origine conçues pour les familles de babyboumeurs, sont aujourd’hui mal adaptées aux aînés, qui les habitent en grand nombre. Or, la mobilité des personnes âgées est un enjeu lié à l’organisation du territoire et au cadre bâti, et «la recherche montre bien qu’il importe d’évaluer les milieux habités – notamment avec un indice de “marchabilité” – et de tenter de leur apporter des correctifs», mentionne Sébastien Lord.

Le collectif suggère aussi de nouvelles façons de travailler en invitant plus d’acteurs et de parties prenantes à collaborer – par exemple dans des ateliers de conception – afin que le vieillissement soit intégré dans l’élaboration de projets et, plus globalement, l’organisation des communautés locales.

«Plusieurs chapitres du livre proposent diverses méthodes qui ne sont pas propres au contexte du vieillissement, mais dont on sait qu’elles sont susceptibles d’engendrer des innovations et de remédier aux problèmes, ajoute le professeur. L’un des chapitres illustre d’ailleurs l’avantage de travailler en ateliers de résolution de problèmes pour affronter des enjeux d’ordre technique, tel le déneigement; l’hiver est paradoxalement une saison peu étudiée au regard de son importance au Québec.»

Plusieurs façons de vieillir

Le livre porte également à réflexion quant aux représentations qu’on se fait des personnes âgées et de la vieillesse, «à ces constructions cognitives qui se cachent derrière toute politique et toute recherche». 

Dans une perspective d’aménagement, les auteurs distinguent le vieillissement de la population (phénomène démographique), le vieillissement des personnes (phénomène physiologique, psychologique et social) et la vieillesse (période de fléchissement des forces physiques et des facultés mentales et de transformation des rapports de sociabilité).

«C’est en ce sens que la politique du Québec, sous-tendue par une construction socioculturelle de l’âge, semble davantage être une politique de la vieillesse qu’une politique du vieillissement», disent les auteurs.

«Tous les aînés ne vivent pas dans un état de dépendance vis-à-vis des services de l’État: le vieillissement des personnes prend diverses formes, et le vieillissement – trop souvent associé au déclin – peut être pensé comme une nouvelle prise sur le monde», selon M. Lord.

Plus d’inclusion et de justice pour les aînés

L’ouvrage attire aussi l’attention sur la complexité et la diversité des enjeux multidisciplinaires qui découlent du vieillissement.

«Il reste un énorme travail à faire pour mieux appréhender les défis, et ce, du point de vue du quotidien des personnes vieillissantes et âgées, notamment en ce qui a trait à la façon dont l’aménagement des milieux et des services urbains et régionaux peut favoriser pour elles une plus grande inclusion sociale, ainsi qu’une justice spatiale plus équilibrée au chapitre de la répartition des ressources», conclut Sébastien Lord.

Contaminants: les agences de santé publique ignorent le risque pour les nourrissons

Bébé qui allaite.

Une nouvelle étude parue dans la revue Environment International démontre que le bébé nourri au lait maternel pourrait être beaucoup plus exposé que sa mère à certains contaminants persistants comme l’acide perfluorooctanoïque (APFO) en raison d’une bioaccumulation du contaminant s’échelonnant sur plusieurs années chez la mère et d’un transfert vers l’enfant durant l’allaitement. «Une étude allemande a mesuré des concentrations sanguines d’APFO quatre fois plus importantes chez les bébés que chez leur mère après six mois d’allaitement», résume Marc-André Verner, professeur au Département de santé environnementale et santé au travail de l'Université de Montréal et chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’UdeM.

À la lumière de ces nouvelles données, il semble inconcevable que les grandes agences de protection de la santé publique, telles que l’Environmental Protection Agency aux États-Unis et Santé Canada de ce côté-ci de la frontière, n’aient pas pris en considération l’exposition du nourrisson et du fœtus à l’APFO dans l’établissement des concentrations tolérables de ce produit auxquelles on peut être soumis quotidiennement alors que sa toxicité développementale est bien documentée. «Ne pas tenir compte de l'exposition prénatale ou par l’allaitement peut entraîner une sous-estimation du risque potentiel des contaminants persistants pour le développement du fœtus et de l'enfant», peut-on lire dans l’article signé par M. Verner et sa stagiaire Kyra Kimberly Kieskamp, ainsi que par Rachel Rogers Worley et Eva Daneke McLanahan, de l’Agency for Toxic Substances and Disease Registry, basée en Géorgie, aux États-Unis. Par exemple, les concentrations maximales acceptables d’APFO dans l’eau potable proposées par l’Environmental Protection Agency (70 parties par billion, ou ppt pour part per trillion) et Santé Canada (200 ppt) sont beaucoup plus élevées que les valeurs proposées par M. Verner et ses collègues, qui tiennent compte de l’exposition développementale (entre 1,9 et 14 ppt).

Marc-André Verner tient à dire que ce phénomène n’annule pas les bienfaits de l’alimentation au sein pour les premiers mois de la vie, comme le recommande notamment l’Organisation mondiale de la santé. «En aucun cas ces résultats ne doivent décourager les femmes d’allaiter leurs bébés. Ce que nous disons, c’est que les organismes de protection de la santé publique doivent considérer cette voie d’exposition dans l’établissement de valeurs d’exposition acceptables aux contaminants de ce type, comme au moment de déterminer la concentration maximale acceptable dans l’eau potable. Les valeurs actuelles sont beaucoup trop permissives.»

Autorégulation en 2015

Rappelons que les contaminants perfluorés de ce type étaient présents dans le revêtement des poêles antiadhésives, les sacs de maïs soufflé pour microondes et d’autres produits de consommation. Aux États-Unis, où l’on a produit et utilisé à grande échelle l’APFO, une entente a été conclue entre l’Environmental Protection Agency et les huit principales compagnies de l’industrie des composés perfluorés afin de stopper sa production, son utilisation et ses émissions entre 2006 et 2015. Mais étant donné que la demi-vie de ce produit atteint plusieurs années, on sait qu’il est encore présent dans la population. «Les dernières enquêtes populationnelles au Canada et aux États-Unis ont démontré que la vaste majorité des individus ont une concentration d’APFO mesurable dans leur sang», rappelle le professeur Verner. Il s’agissait de concentrations minimes, de l’ordre de quelques parties par milliard, précise-t-il, mais des études épidémiologiques ont révélé des associations entre de telles concentrations sanguines et certains effets sur la santé humaine.

Le Canada, qui n’a jamais accueilli de compagnies productrices d’APFO, serait moins à risque que son voisin du Sud, mais les Canadiens ne sont pas exempts pour autant d’une contamination par l’eau potable et la nourriture.

Un modèle applicable

«Pour différentes raisons pratiques et éthiques, il est difficile de mesurer les concentrations sanguines de contaminants de ce type chez un fœtus ou un nourrisson. Nous avons donc mis au point un modèle pour estimer ces concentrations de composés perfluorés sans avoir à prélever d’échantillon sanguin chez l’enfant.»

Encore faut-il que les agences gouvernementales acceptent de tenir compte de ces données, ajoute le toxicologue. L’effet des contaminants de l’environnement sur les fœtus et les nourrissons est connu depuis longtemps. Pourtant, les agences semblent avoir ignoré cette réalité. «À ce jour, les concentrations quotidiennes tolérables pour l'APFO étaient fondées sur l’exposition chez l'adulte, même dans les cas où l'effet critique était la toxicité pour le développement», peut-on lire dans la conclusion de l’article.

Les contaminants d’origine industrielle comme l’APFO ont été associés à des problèmes de santé comme le retard de croissance et un faible poids des bébés à la naissance. À plus long terme, on soupçonne ce produit d’être responsable d’une diminution de la production de spermatozoïdes et de la baisse de la réponse immunitaire à la vaccination.

Le professeur Verner croit qu’il faut poursuivre les recherches sur les contaminants persistants, car on ignore beaucoup de leurs répercussions sur la santé publique; il a été l’un des cosignataires d’une déclaration d’experts des quatre coins du monde allant dans ce sens en novembre dernier. Une étude internationale menée par l’écotoxicologue de l’UdeM Sébastien Sauvé a montré qu’on pouvait retrouver de l’APFO dans les sources d’approvisionnement en eau potable de plusieurs pays dont le Canada.

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