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Les milieux humides, bienfaiteurs de l’humanité

Marais et tourbières sont mal-aimés. Pourtant, les services écologiques qu’ils nous rendent foisonnent. Audréanne Loiselle, gagnante de «Ma thèse en 180 secondes», redore leur image poisseuse.

Marais avec vue de la forêt de conifère et montagne.

Humidité, boue collante et puante, chaleur, nuages d’insectes piqueurs sont certainement les images qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez à un marécage. Certainement pas l’endroit idyllique où passer vos vacances d’été! Qui n’a pas pensé devant un marais: si seulement cette eau stagnante et ces maringouins pouvaient disparaître pour laisser place à une eau cristalline sans bestiole! Et pourtant, c’est un environnement essentiel à préserver dont on a tendance à oublier bien vite les immenses services écologiques qu’il nous rend.

C’est ce qu’étudie Audréanne Loiselle dans son doctorat en sciences biologiques à l’Université de Montréal sous la direction de Stéphanie Pellerin. Cette étudiante en biologie ne se destinait pas à devenir spécialiste des milieux humides. «Je pensais travailler en zoologie. J'ai suivi des cours avec des professeurs passionnés et passionnants sur l'écologie végétale et l’écologie forestière. Après plusieurs stages, j'ai découvert les recherches de Stéphanie Pellerin à l'Institut de recherche en biologie végétale, auxquelles j’ai eu envie de prendre part.»

Disparition des milieux humides

Depuis le 18e siècle, 87 % des milieux humides ont disparu à l'échelle mondiale. Dans le grand Montréal, environ 80 % des milieux humides ont été perdus. On accuse souvent la construction d’ensembles résidentiels et de routes pour expliquer le phénomène. Mais c'est surtout l'agriculture au Québec qui a engendré les pertes les plus importantes.

On a moins de scrupules à éliminer ces écosystèmes quand on ne les connaît pas bien. On pense à la préservation des forêts, réservoirs de carbone et lieux de biodiversité, et l’on oublie les services rendus par les milieux humides.

Les reins de notre planète

Les milieux humides sont comme des marais filtrants. «Supposons que vous habitiez près d'un lac et que la majorité des habitations qui bordent ce lac possèdent des installations septiques. Si une grosse portion de la rive est couverte par des milieux humides, le lac va être moins pollué. En effet, l’eau va préalablement passer à travers un système de filtration naturelle que sont les milieux humides. Ils vont permettre d’éliminer l’azote, le phosphore, les nutriments, les polluants», explique Audréanne Loiselle.

Les milieux humides vont également favoriser la sédimentation de la matière en suspension. S’il y a beaucoup d'érosion sur les berges, la présence de plantes va ralentir le courant et permettre aux particules de se déposer dans le fond. 

«Les milieux humides sont comme les reins de notre planète. C’est un système vraiment complexe, efficace et gratuit qu’on remplace par des usines d’épuration qui coûtent une fortune», fait observer la jeune femme.

Autres bienfaits des milieux humides

Il existe différents types de milieux humides qui auront donc différents bienfaits.

Dans ses travaux de recherche, Audréanne Loiselle en a étudié trois: les tourbières, les marécages dominés par les arbres et les marécages dominés par les arbustes. Les tourbières sont comme des éponges. Ainsi, en période d’inondation, elles vont se gonfler d'eau et empêcher les débordements. Puis, durant les sécheresses, elles vont permettre que l'eau se diffuse dans l'environnement avoisinant pour tempérer les fluctuations des niveaux d’eau. Les tourbières vont également attirer une variété d’oiseaux et d’insectes chanteurs et favoriser la production du zooplancton. Dans les marécages dominés par les arbres, on trouvera une plus grande diversité de plantes. Les marécages dominés par les arbustes vont quant à eux abriter plus de poissons.

Quels milieux humides préserver?

Depuis 2017, le projet de loi no 132 demande aux municipalités régionales de comté de produire des plans qui détaillent la gestion des milieux humides et hydriques sur leurs territoires. Ces plans intègrent des calculs de services écologiques pour choisir les milieux à prioriser, à conserver ou à restaurer.

Les recherches d’Audréanne Loiselle sont fort utiles pour ces plans. «Je suis capable d'explorer les caractéristiques associées aux différents milieux humides. Pour conserver le plus de biodiversité possible, je ne peux pas me permettre de choisir exclusivement un type de milieu humide parce qu'il y a des éléments que je vais perdre, mentionne-t-elle. Je ne choisis pas nécessairement non plus les lieux qui rendent le plus de services écologiques. J’observe plutôt comment les divers milieux humides fonctionnent en vue d’établir un réseau complémentaire optimal pour la conservation des services écologiques.»

Des milieux humides à préserver en ces temps de changements climatiques

Dans les 30 dernières années, les inondations se sont multipliées en raison des changements climatiques. Pensons par exemple à celles survenues à Laval en 2017. Les milieux humides nous rendent des services non négligeables. Avec le réchauffement des températures, on ne peut plus se permettre de les perdre.

«Imaginez un hôpital qui fonctionnerait à 13 % de sa capacité. Maintenant, imaginez qu'une pandémie frappe cet hôpital. Eh bien pour les milieux humides, cette pandémie, ce sont les changements climatiques», a dit Audréanne Loiselle dans sa présentation au concours de l’UdeM Ma thèse en 180 secondes, qu’elle a gagné.

«Je profite des occasions comme ce concours pour communiquer mon amour des milieux humides. Ce sont des écosystèmes mal-aimés à cause du désagrément qu’on peut ressentir en les visitant. On peut avoir une image négative des milieux humides surtout lorsqu’on est un promoteur immobilier et qu’ils empêchent la construction d’habitations. Donc, je pense que c'est vraiment nécessaire de maintenant faire valoir dans le discours public que les milieux humides sont des écosystèmes à protéger pour les nombreux services écologiques qu’ils nous rendent.»

youtu.be/v-fZpCGwcko