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Les herbiers aquatiques sont en déclin, mais peuvent être sauvés

Les milieux humides des lacs sont en piètre état partout sur la planète, mais leur restauration est possible, selon une étude menée par deux biologistes de l’Université de Montréal.

Une nouvelle étude montre pour la première fois que l’abondance et la densité des herbiers aquatiques diminuent partout sur la planète, à l’image des autres milieux humides. Les herbiers aquatiques sont formés de plantes vivant complètement sous l’eau des lacs et des rivières, par contraste avec les autres types de milieux humides comme les marais, les marécages et les tourbières.

Menée par l’étudiante de doctorat Morgan Botrel et cosignée par sa directrice de thèse, Roxane Maranger, professeure au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, cette étude conclut que la dégradation des herbiers aquatiques est principalement liée à l’eutrophisation.

Ce phénomène désigne le processus d’accumulation de nutriments dans les cours d’eau qui accélère la croissance d’algues microscopiques, ce qui bloque le passage de la lumière et empêche les plantes immergées de pousser.

Pour obtenir ces résultats, les chercheuses et membres du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie ont effectué une synthèse de 209 études portant sur 431 lacs où la végétation aquatique submergée a été mesurée pendant 10 ans et plus. Elles ont concentré leurs efforts sur les lacs, puisqu’il existe peu d’information sur les rivières selon laquelle les facteurs influençant les herbiers aquatiques sont potentiellement différents.

«Les herbiers aquatiques dans les zones littorales sont critiques pour la biodiversité des eaux intérieures, milieux où la diversité biologique est le plus en péril. Connaître l’état et la capacité de restauration des herbiers aquatiques est primordial. C’est particulièrement important en cette décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes et en raison de l’intégration récente des eaux intérieures dans les recommandations de la COP 15 pour soutenir la biodiversité planétaire», croit Roxane Maranger, titulaire de la Chaire de recherche en science et viabilité des écosystèmes aquatiques.

Des milieux méconnus et pourtant essentiels

Parce qu’ils sont immergés, les herbiers aquatiques sont peu étudiés: ils sont difficiles à mesurer et à détecter par des images aériennes ou satellitaires. Ils ne sont d’ailleurs pas inclus dans les classifications courantes des milieux humides. Or, les herbiers aquatiques ont une très grande valeur écologique, culturelle et économique, indique Morgan Botrel, première auteure de l’étude.

Ils ralentissent l’écoulement de l’eau, ce qui augmente la sédimentation des particules et favorise une eau claire. Ils participent ainsi à l’épuration de l’eau, entre autres en filtrant certains polluants contenus dans les engrais agricoles et les eaux usées. Dans une autre étude, les chercheuses ont constaté qu’un herbier aquatique du lac Saint-Pierre, dans le fleuve Saint-Laurent, pouvait filtrer de 47 à 87 % de l’azote, soit l’équivalent du traitement de la pollution d’une ville de la taille de Québec.

«Grâce à leur effet sur l’écoulement de l’eau et à certaines caractéristiques des plantes elles-mêmes, les herbiers aquatiques améliorent la qualité de l’eau, régulent le cycle des nutriments et pourraient même diminuer la production de méthane, qui agit comme gaz à effet de serre», précise la biologiste.

En plus de maintenir l’eau propre, les bancs de plantes qui vivent entièrement sous l’eau sont essentiels à la biodiversité aquatique. Ils constituent un habitat et une source de nourriture primordiaux pour diverses espèces.

Une note d’espoir

Morgan Botrel et Roxane Maranger ont heureusement observé que, depuis les années 1980, l’augmentation des quantités de plantes submergées est plus fréquente.

«Cette augmentation est principalement attribuable à la restauration des plans d’eau et au renversement du phénomène d’eutrophisation. Ces gains sont particulièrement importants en Europe, où il y a une volonté politique d’accroître la qualité de l’eau grâce à la directive-cadre sur l’eau. En Amérique du Nord, la situation est plus complexe et l’arrivée d’espèces exotiques peut améliorer la situation comme précipiter les déclins», souligne Morgan Botrel.

Les chercheuses insistent justement sur l’importance de veiller en priorité sur la qualité de l’eau et de limiter l’apport en éléments nutritifs pour la préservation et la restauration de ces milieux humides.

«L’apport excessif de nutriments et de particules en suspension bloque l’accès des plantes à la lumière, rappelle Morgan Botrel. En plus du contrôle des éléments nutritifs, des stratégies peuvent être adoptées pour surveiller la chaîne alimentaire et certaines espèces parfois envahissantes qui altèrent la qualité de l’eau. Par exemple, on pourrait envisager de retirer certains poissons comme les carpes, qui se nourrissent au fond de l’eau, perturbent le transport des sédiments et, de facto, affectent la transparence de l’eau.»